Avant d'en fâcher certains, je respecte très fort James Cameron. J'adore le côté rock'n'roll de Rodriguez, et je conçois que ce long-métrage est un challenge d'adaptation très difficile. Les effets spéciaux sont réussis et impressionnants et le film se regarde. MAIS :
J'ai eu la chance (pas forcément la bonne idée) de me goinfrer les 9 tomes juste avant de regarder ce film. Le manga m'a tellement mis une tarte dans ma gueule qu'en voyant ça, je me suis demandé si on ne se foutait pas d'elle. Où est l'univers dégueulasse et crasseux ? Où est le cynisme grinçant et la dystopie profonde, les moments tragiques et le questionnement existentiel ? Est-ce bien une adaptation de Gunnm que je suis en train de regarder ?
Non.
C'est peut-être la version Disney. PG-13 me crieront les indulgents ! Déjà, c'est nul de s'être mis des bâtons dans les roues avec ça. Imaginez Terminator en short Hello Kitty. De base, l'idée est mauvaise. "Mais il faut faire des sous !" Pareil. Nul. En plus c'est pas une raison. The Dark Knight par exemple est de la même catégorie (même s'il a eu chaud aux fesses). Pourtant la noirceur du Justicier est parfaitement retranscrite. On peut citer aussi Spider-Man Into the Spider-Verse, un film pour enfant mais qui n'a pas peur d'être épique et de malmener son héros. Je ne dis pas qu'il faut montrer de l'ultra-violence à vos enfants. Juste qu'il faut rendre au Japon ce qui est à son art.
Bref, je passe du coq à la banane.
Donc, pour résumer le film transforme toute l'essence du travail de Kishiro en guimauve, parfois en scoubidous. La décharge, lieu de bastons féroces et de désolation sociale devient un parc d'attraction où tout le monde sourit et mange des fruits au soleil. Le Motorball, ce sport brutal et palpitant ressemble à une cinématique de Lego Bionicle, froide, toute numérique et insipide. On ne s'inquiète jamais pour notre héroïne, qui n'est plus qu'un pantin kawaï qui s'émerveille de tout ce qu'elle croise. Même sa candeur et sa détermination sont atténuées par des séquences manquant clairement de force dramatique. Sans oublier ces yeux... En fait ce qui faisait le charme visuel de Gally dans le manga sont ses expressions, c'est certain. Mais les types n'ont pas compris qu'en fait, si ses yeux sont grands dans le manga, c'est parce que c'est un manga !!! (Scoop). Du coup une jolie brune expressive aurait fait l'affaire, et aurait été plus humanisée (et attachante). Surtout que les autres personnages, eux, gardent leur visage d'acteurs.
Pour continuer la longue liste, j'ajouterais également la platitude de la romance entre Alita et Yugo. Là où l'auteur nous faisait presque pleurer et hurler de rage devant un amour impossible et tragique, Rodriguez nous conte vite fait une amourette de bas étages qui finit aussi pitoyablement qu'elle avait commencé, coincé dans son style de Spy Kids. En plus de s'attarder sur des détails pertinents du manga pour les travestir en trucs incohérents, jamais le film ne capte l'essentiel de l'oeuvre, mais expédie ses ficelles à l'arrache, ne s'occupant visiblement pas d'anticiper leur impact sur la suite du récit. La scène la plus parlante pour illustrer ce propos est celle où Ido avoue à Alita qu'il vient de Zalem et qu'on lui a enlevé sa marque. Au lieu de lui apposer un tatouage comme il se doit et ne pas en parler, le réalisateur prend tout de même le temps de tricoter une ineptie pour justifier le fait qu'il n'est pas fidèle à l'original. De plus l'histoire est largement tronquée, si les suites vont peut-être exister, ce sera dur de rattraper le coup.
Voilà, je pourrais encore en parler pendant des heures mais je vous ai déjà soûlé. Tout ça pour dire que cette adaptation est mauvaise, elle est au mieux un bon petit film pour les enfants, au pire un crachat bulleux sur ce qui fait la force du manga. Ce n'est qu'une image lointaine de l'univers déglingué de Kishiro, repassée au pastel et à la crème fouettée. La prochaine fois, filez le projet à Verhoeven ou à George Miller, ils vous en feront un chef-d'oeuvre. Si c'est trop cher, un coréen ou un bon studio d'anim japonais feront le job.