Un petit garçon dans une ville en ruine, un petit garçon qui doit faire vivre sa famille, alors il fait des choses qui ne sont plus déjà des choses de petit garçon, même si tout le monde le considère encore comme tel, tout en se reposant dessus. Allemagne année zéro est tourné dans Berlin en ruine, et nous suivons ce jeune adolescent blond qui a perdu toute joie de vivre, catapulté trop tôt dans un monde adulte. Les ogres des contes se sont matérialisés.
On le comprend, Allemagne année zéro, film réaliste, n'est guère joyeux. C'est même absolument plombant. Les formes géométriques des bâtiments en ruine qui bouchent l'horizon aussi sûrement que l'avenir de l'enfant, ce noir et blanc cru, ces personnages, souvent équivoques ou odieux, tout concourt à enfermer l'enfant dans une spirale dont il ne peut plus sortir. Au détour d'une conversation, Hitler est encore mentionné, suscitant diverses réactions, et on vend sous le manteau ses discours aux étrangers, combine qui permet de survivre avec des soupes claires, de l'eau et des patates, le marché noir étant inaccessible. La voix du führer qui s'élève d'un disque alors que la caméra passe en revue les ruines indique par ailleurs sans équivoque qui est le réel responsable de ce carnage.
Allemagne année zéro se veut témoignage. Encore aujourd'hui, le film atteste parfaitement de quoi la folie des hommes se rend coupable. De quoi faire frémir, alors que l'histoire se répète. Année zéro, dans le titre : avec les ruines de la ville, c'est tout le passé qui semble avoir disparu. L'Allemagne n'a plus d'histoire, il lui faudra la reconstruire, au même titre que la ville.