Je suis allé voir Almamula après avoir vu la BA dans mon petit cinéma de quartier art et essai. Je viens de changer de ville et c'est typiquement le genre de films que je ne voyais plus dans mon installation précédente : loin du centre ville, abonné UGC et dépendant de la programmation plutôt mainstream des quelques UGC de la ville, pas super motivé pour payer quelques dizaines d'euros par mois en plus pour aller voir des sorties confidentielles dans les quelques salles indépendantes de la ville... Habiter à 2 minutes à pied de ce nouveau cinéma et à 5 minutes de son "concurrent" à la programmation complémentaire ont changé mes habitudes (en bien) en très peu de temps : carnet de 10 places dans chaque cinéma, programmes papiers consultés chaque jour pour décider de quel film aller voir, ressorties patrimoniales (Visconti, Sean Baker, Kurosawa) et quelques nouveautés (dans un été assez médiocre de ce point de vue).
Almamula donc, et sa bande annonce qui promettait un film singulier entre mysticisme catholique, homoérotisme trouble et adolescent, lutte des classes en Argentine profonde et folklore fantastique local. Des promesses alléchantes, que le film semble pouvoir tenir pendant une grosse demie-heure et puis... pas grand chose. La créature éponyme, bien présente dans la BA, se limite aux apparitions fantasmé d'un adolescent crédule et troublé. Le film ne bascule jamais dans la folk horror qu'on était en droit d'attendre, il se contente de multiplier les pistes, d'ouvrir la réflexion sans jamais la mener à son terme : que fait le père dans la forêt exactement ? On devine que son activité est plus moins illégale, certainement criminelle, mais on en saura pas plus. Et ce gamin qui a disparu dans les bois ? Nous ne saurons jamais non plus. L'importance de la religion ? Personnellement son carcan moraliste est simplement posé mais pas vraiment questionné ou critiqué : le gamin est littéralement laissé pour mort dans une benne à ordures au début du film, mais sa tradwife de mère préfère fuir à la campagne que de soutenir son gamin. En 2024, même en Argentine, ça semble complètement daté. Le truc le plus intéressant étant la fascination érotico-morbide de Nino pour la figure christique (quelques plans intéressants sur des calvaires), mais le film stagne en le montrant se branler devant son crucifix dans la forêt ou obtenir des stigmates (jamais vu un gamin se blesser aussi facilement en se promenant dans la forêt). Les personnages sont tous bâclés, soit trop taiseux pour donner à voir leur cheminement interne, soit très présents au début puis totalement absents quand il devient clair que le film ne sait plus quoi en faire (la soeur, le gamin qui prépare sa confirmation), et on enchaîne de façon répétitive les séquences de branlette forestière, les rêves de la créatures associés à la naissance du désir gay chez ce jeune garçon, des vignettes sur la vie des riches citadins exploitant la micro société rurale où ils se sont établis (sur fond de racisme, de mépris de classe, de soutien à la religion pour se poser en autorités morales alors que la réalité est plus sombre et criminelle : mais encore une fois, tout n'est qu'esquissé et ça manque cruellement de substance), et sévices subis (la soeur bully, incompréhensible, le méchant prêtre obsédé par la pureté). Le tout ne fonctionne pas, on ne fait que deviner en permanence des intentions scénaristiques théoriques mais l'écriture comme la mise en scène ne les concrétisent jamais.
Dommage, car visuellement il y a des idées : quelques "apparitions" dans la forêt (les ouvriers du père filmés comme des guerilléros, un tractopelle qui émerge de la poussière tel un monstre d'acier rugissant, le tableau inquiétant peint par la grand mère), ou les scènes "horny" de la première demie heure qui laissent entrevoir un thriller érotico-fantastique où tout le monde se tape tout le monde dans la torpeur de l'été et qui disparaissent ensuite sans laisser place à quoi que ce soit de passionnant - le film aurait du basculer dans l'horreur et la violence, mais non, juste du "mystère" qui n'aboutit à rien. La scène finale est emblématique : le film ne résout aucune de ses intrigues et reste sur une image tirée de la BA (!), comme une énième promesse de faire du surplace plutôt que d'affronter son sujet.
PS : je donne la moyenne parce que c'est plutôt pas mal pendant 30-45 min et parce qu'on voit le cul (et pas que) du beau jardinier-homme à tout faire.
PPS : le film fonctionne sans doute mieux sur un public argentin, sud américain ou hispanophone qui a plus de clés que moi pour saisir les allusions du film et les concrétiser dans des thématiques sociales, ou folkloriques (les accents des personnages, le jeu de classes, certains personnages secondaires qui disent ou font des choses jamais explicitées ou mal traduites dans les sous-titres).