Ce film phénomène de 1984, qui ne mise pas sur la facilité commerciale, a déclenché l'enthousiasme public et critique sur un sujet qui n'était pourtant pas évident, la musique classique restant encore en France surtout, assez cloisonnée et soi-disant réservée à une certaine élite, alors que dans les pays anglo-saxons, l'ouverture est plus large. Ce n'est justement pas un biopic de Mozart, mais bien plutôt une réflexion sur le génie, sur la création musicale et particulièrement l'émotion que la musique mozartienne peut créer ; c'est une vision subjective de Mozart tel que le perçoit Salieri au terme de sa vie, à travers le prisme de la jalousie et de sa folie.
Tout au plus y verra-t-on quelques épisodes de la vie de Mozart, même s'ils ne sont pas toujours entièrement vrais (le triomphe ici du "Don Giovanni" est faux du vivant de Mozart, cet opéra ne sera reconnu qu'après sa mort). C'est aussi une réflexion sur la tragédie que ce génie musical peut engendrer, et qui est à l'origine de cette relation chaotique entre Mozart et Salieri, musicien aujourd'hui obscur qui prit ombrage du génie du jeune Viennois très doué ; la jalousie perverse et nauséabonde qui ronge Salieri à la fin de sa vie lorsqu'il conte son histoire, est tout simplement prodigieuse et rendue à la perfection par F.Murray Abraham, comédien révélé par ce film et qui obtiendra bien justement l'Oscar. Mais cette jalousie voire même cette haine est tout à fait hypothétique, puisqu'il a été prouvé que Salieri et Mozart avait collaboré ensemble, elle est tout simplement née d'un malentendu en 1830.
Adapté d'une pièce à succès, il n'y a donc pas grand chose de vrai dans cette relation Mozart-Salieri, l'essentiel étant cette tension dramatique entre 2 conceptions de la musique, de même que certains aspects surprenants de la personnalité de Mozart sont intéressants, comme son rire et ses gamineries, même s' ils sont sans doute faux, ça a pu être ajouté pour donner une certaine contenance, car dans la vie quotidienne, un tel génie devait être invivable pour ses proches.
A cause de ces quelques clichés hollywoodiens et certaines libertés historiques, ce film n'est pas le chef-d'oeuvre clamé partout, mais c'est un chatoyant spectacle offert par Forman, soutenu bien sûr par une bande sonore hors norme. C'est brillant et fastueux avant tout, même si on n'y entend rien à la musique classique, pour les mélomanes, ce sera un plus. Personnellement, j'ai toujours été plus beethovenien que mozartien, même si certains de ses morceaux me plaisent, notamment "la Petite musique de nuit", et dans la musique baroque, je suis plus attiré par l'élégance de Haydn ou de Vivaldi, mais ce serait cracher dans la soupe d'ignorer ce film.