Étonnant parti pris que de raconter Wolfgang Amadeus Mozart par le biais de son plus grand rival, Antonio Salieri. Et pourtant ce choix - intriguant au début du film - prend tout son sens à mesure que l'on est introduit à Mozart (Wolfy pour les intimes). On en viendra d'ailleurs à reconsidérer le mythe d'une guerre juurée entre les deux protagonistes pour y préférer une admiration mutuelle parfois non avouée. C'est grâce à un vieux Salieri diminué, reclus dans un hôpital psychiatrique et sa conversation avec un homme de foi que le récit biographique du plus connu des compositeurs est rendu possible. Premier signe que Miloš Forman n'opte pas pour un biopic « traditionnel » mais plutôt pour un (très) long-métrage qui présente Mozart non tant par la forme mais par l'esprit.
Le fil conducteur du film est le suivant : quelle genre de personnage était réellement Mozart ? Quelle vie un tel esprit a-t-il pu mener ? Toute la force du film de Forman réside dans le fait de prendre le spectateur a contrepieds pour lui montrer que Mozart fut en vérité bien l'inverse de ce qu'on peut souvent l'en imaginer. Et Salieri lui-même de s'étonner : comment Dieu eût-il pu choisir un être de telle bassesse pour lui attribuer de tels talents ? Le récit biographique devient alors une représentation de la discorde d'une divine inspiration musicale avec son artisan, un hédoniste qui ne se donne pas les moyens de survivre.
Pour affirmer à nouveau ce paradoxe d'une œuvre sublime par un artiste menant une vie de débauché, Miloš Forman évoque ce contraste dans le titre même de son œuvre en choisissant de ne retenir qu'Amadeus parmi le nom : littéralement celui qui aime Dieu, en rupture avec la description de Mozart comme un être profane selon Salieri.
On peut d'ailleurs dire de ce film qu'il fait parti de ceux où tout est bon ; de la musique (sans surprise) aux décors, en passant par le jeu d'acteur (avec un très belle interprétation de Tom Hulce dans le rôle de Wolfgang et un Oscar pour F. Murray Abraham dans le rôle de Salieri) ainsi que le scénario.
En bref, Miloš Forman a cette finesse de mettre en scène un Mozart farceur face à une vie tragique, réalisant par-là un drame qui reste fin et léger. On reste dans une description réaliste et poignante, en ne tombant toutefois jamais dans la lourdeur et la sur-romance d'un homme qui a marqué l'histoire de la musique a tout jamais. Il nous laisse dans la fascination envers l'âme qu'a pu être celle de Wolfgang Amadeus Mozart et redouble la stupéfaction face à l'énigme d'un tel talent qui finira dans une fosse commune, tel un parfait inconnu.