Quelle durée, pour un film censé restituer pleinement un génie artistique, tout en s'imposant lui-même comme un sommet du 7e Art ? Saugrenu ? Possible... Mais là, avec ce film hommage, on a 2 h 37 de projection et, pour le spectateur invité à redécouvrir Mozart, d'émerveillement inoubliable !
Allez, évacuons vite ça allegro pianissimo : Wolfgang Amadeus Mozart = génie ! Pour beaucoup, il est même "le plus grand compositeur de tous les temps" : 1er concerto à 4 ans ; 1re symphonie à 6 ans ; 1er opéra à 12 ans ! Tout est "bisounourso", alors ? Justement, ce film, adaptation d'une pièce de Peter Shaffer, souligne avec à-propos et intrépidité que c'est surtout dans un contexte de tragédie que s'inscrit le génie mozartien. Le dédain de ses contemporains, l'autodestruction lente dans l'alcool et la débauche, enfin la mort prématurée à 35 ans et la fosse commune... On est très loin de l'image idyllique du petit garçon jouant sagement du piano devant un parterre d'adultes extasiés. Projeté trop vite dans leur univers, incapable d'en comprendre les règles et encore moins de les appliquer, Mozart ne saura jamais leur offrir que son rire dérangeant, son langage choquant. Lucide sur lui-même : "Je suis vulgaire, je l'admets, mais ma musique ne l'est jamais !".
"Amadeus", regard d'un cinéaste inspiré par son sujet plutôt que biographie filmée, s'articule autour d'un "drame de la jalousie". Pas l'italienne, mais à l'autrichienne. D'un côté, Mozart et la subjuguante perfection de ses oeuvres. De l'autre, Antonio Saliéri, compositeur officiel de la Cour d'Autriche, et l'insipidité laborieuse de ses compositions. Le caractère quasi-divin de l'inspiration du jeune prodige va être d'autant plus insupportable à Saliéri qu'il a lui-même voué sa musique à Dieu, avec l'espoir d'une gloire éternelle. Le dépit va le brûler au point de lui noircir l'âme et lui dicter un comportement machiavélique. Se présentant à Mozart comme son plus fervent défenseur et multipliant les intrigues pour que son génie reste méconnu. La phrase clé qui résume son conflit interne, entre vengeance blasphématoire et authentique admiration : "J'ai réussi à ce que "Don Juan" ne soit joué que 4 fois... Mais j'ai suivi en secret et avec ferveur chacune des représentations !".
Et il y a le passionnant face à face de deux acteurs Stradivarius : Tom - Mozart - Hulce et F. Murray - Saliéri - Abraham.
Et pour mieux appuyer la portée de son attitude sur la tragique destinée de Mozart, Milos Forman en a habilement fait le guide de son film. En vrai maestro de la pellicule !