C’est encore le printemps, et bientôt le début de l’été. Il fait doux, tout semble léger, Paris est calme, intime, comme dans sa bulle. Et puis l’horreur surgit soudain, un soir, quand des terroristes tirent sur la foule venue pique-niquer dans le bois de Vincennes. Parmi les victimes, il y a Sandrine qui, dans le sillage de sa disparition, laisse une fille de sept ans et un frère de vingt-quatre ans totalement désemparés, meurtris par l’absence. Déjà dans Ce sentiment de l’été, Mikhaël Hers filmait la ville des beaux jours, des parcs et des balades à vélo, la mort abrupte aussi, le deuil et la reconstruction. Après Lawrence confronté au décès de sa compagne, ce sont Amanda et David qui doivent réapprendre à vivre sans l’amour d’une mère ni la complicité d’une sœur, sans repères, sans les bisous, sans le paris-brest de la boulangerie d’en bas à 18h, un soir sur deux.


Hers prend le temps avant d’amorcer le drame, le temps de regarder vivre ses personnages à travers un quotidien fait de petits riens, de banalités et d’habitudes. Et dans le trou béant qu’a formé autour d’eux le souvenir immense, douloureux, de Sandrine, l’oncle et la nièce se rapprochent, se soutiennent, envisagent un avenir. Chacun suit son parcours à soi, chacun se relève à sa façon, et pleurera quand il faudra, quand il le faudra bien, au moment voulu. Souvent pour David face au vide et face au poids des responsabilités qui l’attendent, à la fin pour Amanda quand elle comprendra le sens de l’expression "Elvis has left the building" que lui avait expliqué sa mère quelques semaines plus tôt, avant de réaliser que l’espoir et le renouveau sont finalement possibles, à deux, même après l’épreuve.


Sans jamais délaisser le personnage d’Amanda, sans en faire une simple caution scénaristique, le film observe surtout le devenir père (avec Amanda) et le devenir adulte (avec Lena, sa petite amie) de David qui déboulent sans prévenir, malmenant l’insouciance qui le guidait dans sa vie, pas pressé de grandir, tranquille et entêté (à ne pas vouloir revoir sa mère, partie alors qu’il n’avait que trois ans). Vincent Lacoste trouve là un rôle fort, et beau, qui confirme, après Plaire, aimer et courir vite, qu’il sait s’épanouir ailleurs que dans la comédie. Son duo avec la surprenante Isaure Multrier est l’atout indéniable de ce film ultra-pudique, lumineux et caressant malgré la tragédie, qui ne cherche pas à transcender, mais toujours à toucher. C’est ce qu’on peut maintenant appeler la petite musique Hers.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 21 nov. 2018

Critique lue 2.6K fois

18 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 2.6K fois

18

D'autres avis sur Amanda

Amanda
Carlito14
4

Mikhaël Hers has left the building

J’ai rattrapé Amanda, malgré un a priori négatif qui aurait dû m’en détourner. Le film correspond à l’idée que je m’en faisais, c’est à dire un banal récit de deuil, soit à peu près rien. J’ai arrêté...

le 28 déc. 2018

18 j'aime

Amanda
mymp
7

Mon oncle

C’est encore le printemps, et bientôt le début de l’été. Il fait doux, tout semble léger, Paris est calme, intime, comme dans sa bulle. Et puis l’horreur surgit soudain, un soir, quand des...

Par

le 21 nov. 2018

18 j'aime

Amanda
Cinephile-doux
8

Ce sentiment du deuil

Ce sentiment du deuil. Le sujet avait déjà été traité par Mikhaël Hers mais dans Amanda, il l'aborde de façon plus frontale, émotionnellement parlant. Tout en gardant cette délicatesse et cette...

le 6 nov. 2018

18 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

179 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25