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Michael Bay est un auteur. Si, si. Qu’on aime ou non ce cinéaste, il est impossible de ne pas reconnaître son style visuel outrancier et démesuré ni ses thématiques récurrentes, radiographies de la grandiloquence des Etats-Unis.
Will est un ancien soldat dans l’impossibilité de payer les soins médicaux dont a besoin sa femme ; Danny est un criminel riche et excentrique déséspérément seul. Ils sont frères et le premier va se voir embarqué par le second dans un braquage qui tourne mal entraînant une course-poursuite dans tout Los Angeles. AMBULANCE, remake d’un film danois, possède un postulat digne d’un actioner des années 90. Mais ce résumé grossier est trompeur car Michael Bay a mué durant la dernière décennie. Il a prouvé que, lorsqu’il s’éloigne des gros budgets, il est capable de tenir une narration et une dramaturgie pour décrire la décadence des idéaux d’une Amérique toute-puissante. Et même s’il ne parvient pas toujours à maintenir l’équilibre, c’est dans ce cadre que s’inscrit son dernier long-métrage qui se trouve au confluent des ambitions formelles et maintenant narratives du cinéaste. Ainsi, ces deux hommes opposés sont les deux facettes d’un pays où l’on défend l’adage “on est jamais si bien servi que par soi-même”.
Will : [I need] two thirty-one. Experimental surgery. Except insurance doesn't cover experimental because, they tell me, it's experimental.
Derrière son aspect simpliste, AMBULANCE parvient à bâtir une vision pertinente des USA au travers de cette relation fraternelle. Et dans ce duo s’insère le très beau personnage de Cam. Écrite avec soin et interprétée par une Eiza Gonzalez dans son meilleur rôle, elle est la tranche reliant ces deux faces d’une même pièce. Ambulancière, son rôle est de faire le lien entre le lieu d’un accident et l’hôpital, mais aussi entre les humains. Une vision humaniste qu’elle perd peu à peu, et que les interactions avec Will raviveront. Ce dernier, col bleu contraint par un système individualiste à renouer avec un frère parangon de l’exubérance étasunienne, trouvera le courage de s’extirper de sa toxicité au contact de Cam. A ce titre, cette relation triangulaire délimite un microcosme régi par un système déshumanisé et individualiste dans lequel il faut lutter pour survivre. Malgré tout, l'ambiguïté demeure au détour de quelques scènes touchantes où les frères se font complices, instants empreints de mélancolie sur leur amour autrefois candide. AMBULANCE trouve alors du cœur dans ce nœud dramatique fort, bien aidé par un trio d’acteurs excellents (Gyllenhaal est d’ailleurs une évidence dans le cinéma de Bay).
Danny : It's just like any other day for you, Camille. Except the life you save today might be your own. Do your job, alright ?
Couplé à cette écriture plus recherchée qu’à l’accoutumé, The King Of Kaboom démontre une fois de plus son talent caméra en main. Bay, même dans sa saga TRANSFORMERS, a toujours su rendre l’action concrète et organique, en privilégiant le réel et en usant d’un mixage sonore minutieux. Soutenu par un Lorne Balfe inspiré et des effets spéciaux utilisés avec parcimonie, AMBULANCE s’avère donc viscéral et terriblement tendu pendant près d’une heure et demie. Évoqués en long et en large, les plans aux drones sont, en effet, magiques. Ils captent Los Angeles comme jamais auparavant et confèrent une langueur bienvenue qu’un montage parfois heurté étiole quelque peu. Pour autant, ce montage épileptique caractéristique du réalisateur est ici davantage pondéré pour laisser respirer ses protagonistes tout en maîtrisant l’espace restreint de l’ambulance. Bay s’amuse alors des valeurs de plan et des échelles pour emballer des scènes d’actions lisibles, offrant ainsi un divertissement galvanisant dans sa rudesse.
Avec AMBULANCE, Michael Bay est parvenu à un compromis satisfaisant. En plus de continuer à proposer un spectacle techniquement irréprochable, il s’assagit dans son insolence. Il confirme surtout une fois de plus son statut d’auteur dans un Hollywood bien fade.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2022 : CINEMA et Les meilleurs films de 2022
Créée
le 12 mai 2022
Critique lue 15 fois
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