Michael Bay maitre de la destruction massive, de l’esthétisation façon magazine de luxe de chaque plan n’est pas à priori le réalisateur auquel on pense pour réaliser le remake d’un thriller psychologique danois basé sur trois règles: l’intégralité de l’histoire se déroule dans une ambulance, l’histoire se déroule en temps réel sur un trajet de 80 minutes avec seulement quatre personnages sur le trajet. Pas plus sans doute que ne l’était James Cameron pour adapter la comédie La Totale de Claude Zidi. En appliquant la même méthode d’adaptation qui consiste à garder l’intrigue de l’original au cœur d’un dispositif d’un spectacle d’action massif taillé pour son style signe son meilleur film depuis Pain and Gain. Six Underground promesse d’un Michael Bay sans filtres après sept années de Transformers avait déçu, sans la contrainte budgétaire et l’influence d’un producteur exigeant Bay n’avait pas été capable de se discipliner versant dans l’autocomplaisance. De retour en salles produit par Universal -qui devient peu à peu la société des cinéastes (Christopher Nolan , M.Night Shyamalan, Jordan Peele) qui ne se retrouvent plus dans des majors devenues des fermes à « propriétés intellectuelles » – Bay peut utiliser le canevas du film danois pour revenir au thriller « R rated » qui ont fait sa gloire y ajoutant ses ingrédients favoris : poursuite et crashes en voitures, hélicoptères et fusillades roboratives.


Le film s’ouvre sur Will Sharp (Yahya Abdul-Mateen II) vétéran de l’Afghanistan au chômage abandonné par le système de santé américain, qui laisse sa femme mourir faute d’une opération chirurgicale expérimentale coûteuse, Sharp se tourne vers son frère adoptif Danny (Jake Gyllenhaal), un braqueur de banque invétéré, pour obtenir de l’aide. Danny lui propose de rejoindre son équipe pour un casse : s’emparer de 32 millions de dollars en liquide qui vont transiter par une banque de Los Angeles. Le braquage tourne affreusement mal, obligeant les frères à s’enfuir dans une ambulance, prenant en otage l’infirmière Cam Thompson (Eiza Gonzalez) et un policier gravement blessé par Will. Les quinze premières minutes sont parfaitement structurées avec une présentation des protagonistes et des enjeux rapide et directe, avec le juste nécessaire pour démarrer l’intrigue principale. Comme James Cameron avant lui pour qui la comédie de Claude Zidi ne fut qu’un prétexte pour s’offrir sa version d’un James Bond avec True Lies , c’est deux autres films que Bay a dans sa ligne de mire et dont l’influence imprègne son remake le Heat de Michael Mann et Speed de Jan De Bont. La première partie du film évoque le classique de Mann avec cette addition de dernière minute à un crew d’experts en braquage de banque que Bay staffe avec ce type de personnages secondaires haut en couleurs qu’il adore depuis Armageddon : un chauffeur italo américain, un braqueur surfeur en birkenstock surveillés à leur insu par une équipe de policiers d’élite mené par un professionnel intense le Capitaine Monroe (Garret Dillahunt). Bay place même la séquence de braquage dans la même avenue que le film de Mann et si il entendu que la scène de Heat est indépassable par la puissance de son exécution et sa portée dramatique la version qu’en offre Bay ici est assez incroyable dans sa virtuosité et sa percussion. Dés que les protagonistes sont circonscrits dans l’ambulance qui lui donne son titre le film bascule dans une version de Speed où les obstacles se multiplient pour empêcher l’ambulance de poursuivre sa course sans s’arrêter « comme un requin » la dramaturgie demande de l’inventivité avec les situations pour garder les personnages en mouvement, les enjeux sont élevés, forçant les participants à trouver des solutions tout en luttant avec la contradiction de leurs motivations. Car contrairement au policier incarné par Keanu Reeves, les frères Sharp sont du mauvais coté de la loi.


Si il conserve par endroit sa veine d’humour gras, Bay pour la première fois depuis longtemps respecte ses personnages même si le film est constamment drôle grâce au script malin de Chris Fedak (issu de la télévision où il a travaillé pour les séries Legends of Tomorrow ou Chuck) les personnages citent des films d’un certain Bay Michael, réalisent dans un moment de méta commentaire qu’ils participent à une course poursuite particulièrement onéreuse et dans une séquence hilarante en plein milieu d’une poursuite à grandes vitesse les deux fugitifs « jamment » sur un standard du rock FM des années 80. Jake Gyllenhaal était né pour jouer dans un film de Bay électrique, imprévisible tour à tour charmant ou inquiétant mais toujours charismatique en col roulé en mohair. Sa performance hypercaffeinée évoque les grandes heures de Nicolas Cage. Le plaisir qu’il prend à se retrouver dans l’univers du cinéaste est palpable. Yahya Abdul-Mateen II comédien à l’ascension météorique ces dernières années de Aquaman à Matrix Resurrections en passant par la série Watchmen et la nouvelle version de Candyman incarne une variation d’une figure fétiche du cinéma du réalisateur de The Rock le soldat honorable abandonné par sa hiérarchie mais il lui apporte une sensibilité qu’on retrouve rarement chez l’auteur d’Armageddon, parvenant à transmettre le désespoir du personnage. Eiza González qu’on a vu récemment comme second rôle dans énormément de films de Baby Driver à Alita a convaincu le réalisateur de Bad Boys de son potentiel puisqu’il lui fait l’honneur d’incarner sans doute la première vraie héroïne de son cinéma : un personnage clairement défini, hyper-compètent avec avec son propre trauma à surmonter et pleinement active dans le film. L’actrice mexicaine équilibre brillamment jeu entre les aspects dur à cuire et vulnérables de Cam dans une performance assurée. Il entoure son trio de seconds rôles convaincants : Garret Dillahunt (Army of the Dead) est très drôle incarnant un personnage qui est clairement un avatar du réalisateur lui-même , exubérant, propriétaire d’un molosse (Bay adore les chiens) il supervise la poursuite des suspects depuis les multiples écrans de son camion high-tech. A Martinez bien connu de ma génération pour sa participation au soap Santa Barbara est méconnaissable en redoutable trafiquant. L’acteur australien Keir O’Donnell offre une version ironique du trope bien connu de l’agent du FBI éduqué qui intervient comme un cheveu sur la soupe d’une opération policière.


Mais si le film est une histoire « humaine » et émotionnelle Ambulance est avant tout un formidable spectacle d’action , une démonstration de force de son réalisateur qui confirme qu’il est unique dans sa catégorie : le maître du spectacle maximaliste et de l’action expressionniste. Avec Ambulance Le réalisateur de Bad Boys a découvert les drones et ses expériences avec ces appareils sont éblouissantes, il leur fait exécuter des acrobaties qui lui permettent d’ajouter des plans proprement hallucinants à son répertoire dont un mouvement appelé à être un de ses nouveaux plans signatures la caméra passe par dessus un immeuble avant de plonger en piqué le long de sa façade vers ses personnages. Il déploie ici toute sa palette : angles de vue byzantins, ultra-violence (avec une séquence d’opération chirurgicale improvisée d’anthologie), ralentis extrême, destruction massive de véhicules et pyrotechnie apocalyptique. Aucun réalisateur depuis la disparition de Tony Scott n’a sa capacité à intégrer le chaos à la fluidité d’une mise en scène ou l’impact le dispute à l’esthétique. Comme l’indique les deux lettres soulignée dans son titre AmbuLAnce est aussi une lettre d’amour balistique à Los Angeles sa ville que Bay sublime comme il le faisait des courbes de ses actrices.


Bay renouvelle son équipe technique confiant la photographie Roberto De Angelis cadreur sur de nombreuses superproductions qui réussit haut la main son examen de passage avec une cinématographie – la photo saturée hyper colorée avec cette brillance de papier glacé qu’on attend des films de Bay – et un travail de caméra à couper le souffle. Au montage il fait appel à Pietro Scalia (JFK, Gladiator) entourés de collaborateurs de ses précédents films Calvin Wimmer et Doug Brandt qu’il fait monter en grade. Le trio fait des merveilles de multitasking, en dépit du nombre incalculable de plans et d’actions simultanés, le flot du montage est toujours fluide privilégiant l’efficacité narrative à la cohérence. Le traitement du son est bien sur incroyable et la partition de Lorne Balfe (Mission Impossible Fallout) est percutante et épuisante (dans le bon sens) à l’image du film. Ambulance n’est bien sur pas exempt de défauts, le film est un peu trop long et bien qu’il ait deux bombes à retardement – la perspective d’une capture imminente et un policier mourant à l’arrière – Bay en prenant trop de détours ne peut maintenir la tension dans le dernier acte à un degré assez élevé.


Conclusion : Après la déception Six Underground BAY IS BACK avec son meilleur film depuis Pain & Gain, un de ses meilleurs simplement. Duo vedette en feu, persos secondaires haut en couleurs et action débridée . Bay déchaine dans cette fusion entre Speed et Heat une avalanche de plans signatures et iconiques. Si cette lettre d’amour balistique à LA est un peu trop longue impossible de bouder son plaisir devant un spectacle d’action aussi satisfaisant.

PatriceSteibel
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le 21 mars 2022

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PatriceSteibel

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