Amer Béton, ou Tekkon Kinkreet dans sa version originale, est l'adaptation cinématographique de l'œuvre d'un mangaka singulier : Tayô Matsumoto.
Coréalisé par américain et japonais, c'est Michael Arias qui réalise le film avec le studio 4°C. Le film se fait au Japon et Michael Arias a réalisé avec Amer Béton un film d'animation typiquement japonais.
La collaboration entre le studio 4°C – 4°C est la température à laquelle l'eau est dans son état le plus dense, marque de l'ambition du studio– et Arias n'est pas nouvelle. Arias, qui produit The Animatrix, courts métrage d'animation autour du triptyque des frères Wachowski, The Matrix sélectionne les studios d'animations qui feront parti du projet. Dont Madhouse (Perfect Blue, Metropolis) et le studio 4°C ou son ami Kôji Morimoto officie. Kôji Morimoto, réalisateur génial et tête de file du studio, avait avec Beyond, réalisé le court sans aucun doute le plus abouti techniquement et scénaristiquement des Animatrix.
Ce long métrage n'est pas la première tentative d'animer le manga de Matsumoto, et c'est le même Kôji Morimoto qui avait réalisé en 1999 un court, 5mn, tout en 3D avec les héros d'Amer Béton : Kuro (Noir) et Shiro (Blanc).
Dans le film Amer Béton, la 3D est aussi présente mais avec parcimonie et judicieusement employée. La technique est principalement utilisée pour représenter la ville de Takara (Treasure Town). Takara, allégorie de Tokyo, au centre du film. Fascinante, chaque regard porté sur elle est une explosion visuelle de couleurs, de symboles. Angles improbables, fusion de moderne et traditionnel. Cette ville drapée de béton, possède une âme. Ame au centre des enjeux de pouvoir entre les yakuzas modernes et anciens, la police et les chats.
Les chats, Kuro et Shiro sont 2 orphelins que le destin a unis. 2 enfants qui vivent de menus larcins et terrorisent les personnes du quartier et qui ont la particularité extraordinaires de voler. Kuro et Shiro sont aussi opposés et complémentaires que le yin et la yang. Kuro (Noir) est l'ombre jetée sur le sol par le soleil de la journée qui englobe toute la ville la nuit venue et devient ténèbres. Shiro (Blanc) est la lumière éclatante du jour et la lueur de la lune qui guide dans l'obscurité (il porte par sur sa boucle de ceinture, le symbole du Japon, le soleil levant).
Kuro est (trop) intelligent, grave et sombre alors que Shiro est simple (d'esprit), optimiste et pourtant lucide.
C'est Shiro qui dira avec les mots qui lui sont propres :
> Dieu m'a mal fait, il me manque des vis. C'est Kuro qui a toutes les
> vis qui me manquent.
Pourtant son optimisme et sa jovialité cachent une angoisse profonde :
> La nuit je me sens toujours très triste, peut être que c'est parce que
> je pense souvent à la mort.
L'arrivée de truands voulant transformer la ville en parc d'attraction, avec le but avoué de soutirer jusqu'au moindre sou que puissent avoir les enfants, met rudement à l'épreuve les chats. Symbole d'un combat quasi désespéré contre un capitalisme cynique sans état d'âme.
La séparation des 2 amis sera un moment critique et Kuro sera en proie à un cruel dilemme avec l'apparition de Hitachi (le minotaure), représentation de ses propres ténèbres, qui lui proposera un pouvoir sans limite en échange de sa damnation. Alors que jusqu'à présent il n'avait vécu que pour protéger Shiro, c'est quand il échoue qu'il est le plus fragile en prise avec ses propres doutes et son échec.
La force de cette adaptation est dans la forme, d'avoir conservé le trait si original, bien que simplifié pour les besoin de l'animation, de Matsumoto. Le chara design, est très proche et on reconnaît sans mal l'univers graphique de Mastumoto.
Dans le fond, malgré les coupes, d'avoir conservé la force de narration du manga proposant dans une représentation onirique une vision à la fois poétique, violente, pleine d'émotion sans tomber dans la facilité.