De très bonnes critiques, un genre que j’affectionne, le documentaire, et sur un pays actuellement fort intéressant à observer, les Etats-Unis, je file donc au cinéma dimanche, bravant la neige pour voir cet opus.
Nous sommes au coeur de l’Arizona, dans la petite ville de Seligman, en novembre 2016, au moment de la clôture de la campagne présidentielle où s’affrontent Hillary Clinton et Donald Trump et qui verra la victoire de ce dernier. Entourée de paysages somptueux et désertiques, laissée à l’écart des grandes voies passantes (nous apercevons à l’horizon, des routes fréquentées par des automobilistes qui s’évanouissent dans le lointain, et des trains qui sillonnent la région chargés de marchandises), cette bourgade semble survivre en autarcie. Un peu à l’instar de nos villages qui se dépeuplent – c’est en tout cas le parti-pris de l’auteur, qui nous montre principalement des séniors, peu de jeunes parmi ces personnes qu’il rencontre.
Nous allons voir, dans cet univers que le cinéaste nous décrit comme clos sur lui-même et à l’abandon (notons qu’il ne nous montrera pas les rues de cette ville, seulement des instantanés fixes mêlant beauté de la nature et détritus laissés par l’Homme, carcasses de voitures rouillées, stations d’essence fermées, panneaux publicitaires décatis…), des témoignages de femmes et d’hommes sur des sujets politiques, les armes, l’élection qui s’approche, les migrants…
J’ai trouvé cela extrêmement réducteur et par conséquent presque sans intérêt. Un indice fort est le titre du documentaire lui-même, « America – Que reste t-il du rêve américain ? » : nous serions donc face à une petite ville de moins de 10 000 habitants, dont le témoignage d’une douzaine d’habitants pourraient nous donner une idée générale de ce que pensent les 327 millions d’habitants de ce pays ? C’est là le principal biais rencontré ici, un peu comme si un documentariste américain réalisait, à l’occasion de la dernière campagne présidentielle française, un film qui s’appellerait « France – Que reste t-il du rêve français ? » en allant interviewer des habitants de la commune d’Arques (Nord-Pas de Calais) ; et que les Américains en déduisent l’état d’esprit des Français (1).
Une fois que vous avez réalisé ceci, le documentaire s’évanouit de lui-même dans son absence de consistance. Au mieux, tel ou tel propos vient faire écho à l’anti-américanisme qui hante la France depuis longtemps et a connu une résurgence forte avec l’accession de Donald Trump à la Présidence. Nous allons voir toute la virulence de la campagne présidentielle, les accusations très violentes des deux candidats trouvant écho dans les paroles des protagonistes ; nous allons voir comment un pasteur prend parti pour Donald Trump de manière ouverte, insultant Hillary Clinton au passage ; et bien sûr, centre du documentaire, les armes. Un jeune couple nous expliquera qu’il offre une arme à chacun de leur fils à l’âge de cinq ans (ce qui fait frémir, convenons-en), la mère ajoutant qu’elle possède presque dix pistolets et fusils à elle seule. Nous verrons aussi ces gens boire de la bière à toute heure et fumer, ce qui nous renforce sûrement, dans notre inconscient influencé par nos tendances de « riches » vegan et healthy, dans le jugement que nous portons sur eux (et donc sur les U.S.A. en totalité).
Cela me fait penser à cette histoire de l’Anglais arrivant en France, voyant une puis deux femmes rousses et en déduisant que toutes les Françaises étaient rousses (clin d’oeil à ma nièce Angèle ???? ). Ne déduisons rien de ce film, dont la focale n’est pas ajustée au sujet qu’il veut traiter (Seligman vs Etats-Unis) et qui de plus ne nous apprend rien que l’écoute de radios ou la lecture de journaux ne pourraient nous dire.
Bref, à éviter.
FB
http://rue2provence.com/2018/03/19/cinema-claus-drexel-america-2018/
(1) Comprenez-moi, je n’ai rien contre Arques ici, commune que je ne connais pas et que j’ai choisie au hasard pour le nombre d’habitants, proche de celui de Seligman.