Non, les braves gens n'aiment pas que

20 ans après tout le monde, je me prends une grosse claque en voyant ce film pour la première fois. C’est dingue comme rien n’a mal vieillit dans ce film, si ce n’est la colorimétrie (et encore, pour moi c’est une bonne excuse pour rentrer dans une atmosphère “pavillon urbain” chez Mr. Toutlemonde).

De base, rien de plus jouissif qu’un film où l’on voit un type malmené se rebeller et reprendre le dessus, d’autant plus quand le film est un sans faute du début à la fin. Pas besoin de chercher loin, déjà le jeu d’acteur est fou: Kevin Spacey en dit d’autant plus par la gestuelle que par le verbe (un sourire en coin qui veut tout dire, un plissement des yeux qui met bien…). C’est d’une justesse folle et d’un humour noir complètement grisant; de quoi émoustiller un catatonique. Là, le gars nous lâche vérité sur vérité avec un calme olympien, sans broncher du moins. Il a cette aura “force pure” qui est tellement attachante parce qu’elle est un savant mélange entre des vérités bien fraîches et des moments de banalité extrême, genre « Janie aujourd’hui j’ai démissionné. J’ai dis à mon boss de bien aller se faire foutre et après je lui ai soutiré 60000 balles en lui faisant du chantage. Passe moi donc les asperges ».

On a aussi le droit à un bon pastiche de l’idéologie américaine dans ses plus basses dérives, avec des slogans bien creux: « in order to be successful, one must project an image of success at all times ». La mère, archétype de la carriériste frustrée qui cherche à combler son vide existentiel dans l’apparat social et se qui se retrouve complètement démunie face à l’aplomb nouveau de son mari, devient presque touchante tant elle semble apathique dans son propre naufrage.

Niveau sonore, on alterne entre des bandes sons assez softs pour faire passer des propos lourds et des classiques bien assumés (du bon Roy Avers et du Eliott Smith notamment) pour les moments plus “légers”. Visuellement, American Beauty c’est tout plein d’images fortes qui restent dans la tête (plus jamais je ne regarderais les sacs plastiques de la même façon). Le plan fantasmagorique de Thora Birch sous la pluie de pétales est superbe, tout autant que la séquence “ubiquité” de fin -qui à de quoi faire jalouser l’ami Gaspard Noé-.

En clair, malgré des passages tournés à la légèreté par leur cynisme, le film garde un propos marquant sur la puissance d’un type qui n’attends plus rien de personne: combien coute l’honnêteté au pays des faux-semblants? Sam Mendes montre en tout cas que celui qui se refuse à jouer le jeu du paraitre devient la cible à abattre, l’ennemi publique qui de par sa démarche menace l’équilibre instable dans lequel les autres se réfugient. Ou comme chantait le vieux poète, «Non les braves gens n’aiment pas que, l’on suive une autre route qu’eux » et plus tard de dire « S’ils trouvent une corde à leur goût, ils me la passeront au cou ».

PS: Attention à ceux qui ne tiennent pas trop à leur job, c’est taux de démission assuré à 100% après visionnaire de ce film.

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le 18 juil. 2023

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