Fighter et sa maîtrise de la description vous avaient transportés? La méga-Happy End de Happiness Therapy vous avait réjouit? Donc, tout logiquement vous courez voir American Bluff? Non. Surtout pas.
"Une partie de ceci est réellement arrivé" : la phrase d'introduction du film pose les bases. David O'Russel n'a absolument rien à foutre de quelque adaptation précise et honnête. OK très bien. Pourquoi pas. Sauf que lorsqu'on choisit cette stratégie-là, et, que l'on dispose de Christian Bale, Bradley Cooper, Amy Adams, Jeremy Renner et Jennifer Lawrence ensemble - soit à peu près la troupe de ses deux premiers (vrais) films réunis -, on doit savoir se montrer au pire convaincant, au mieux exaltant. Il n'en est rien.
Alors oui, les coupes de tout ce casting XXL sont aussi farfelues que leurs interprétations respectives ; oui la bande originale est (comme souvent chez Russel) franchement agréable, baignée dans une ambiance 70s décomplexée mais qui, heureusement, évite le cliché ; mais c'est tellement insuffisant! Pire, ce n'est JAMAIS enivrant : à AUCUN MOMENT on ne retrouve cette tension dramatique soudaine qui réussissait si bien au réalisateur dans ses précédents films. La trame est mal gérée, souvent lente et profondément disproportionnée entre travellings incessants, (rares) scènes adroites et récit grotesque. Finit les scènes bidonnantes et subtiles de Happiness Therapy, place ici à un "Qui fera la meilleure perf' d'acteur?", sorte de concours de sketchs entre les comédiens sérieusement agaçant.
Pour continuer sur les défauts, AB est un film qui s'auto-congratule constamment, qui (au moins) s'assume comme redondant ; qui semble, en fait, se regarder et se satisfaire, souriant tout seul. Alors qu'en réalité, c'est un film ultra too much, doublé d'une surcharge de personnages, de péripéties, de rebondissements. C'est un défilé de mode totalement superflu. On arrive même à se demander quel est le but de ce film. Ni envoûtant, ni drôle, ni subtil, American Bluff est un film sans intention. Peut-être celle de rafler quelques statuettes. Car sous ses airs de symbole du cinéma à Oscars, le film recèle tout de même quelques points positifs. Amy Adams et Jennifer Lawrence tout d'abord : elles sont justes dans leurs rôles, souvent plus drôles que les autres (mention spéciale à Lawrence dans son rôle de pimbêche), et terriblement attachantes. Les scènes de pure arnaque également, celles ou on devine véritablement le bluff : elles sont trop peu présentes mais efficaces, et sur un background décoratif très réussi. La conclusion enfin : une dernière pirouette sympathique vient clore ce script exagérément long. Car la durée témoigne aussi de ce côté outrancier ; on avait d'ailleurs déjà découvert ce défaut dans les scénarios de Fighter et Happiness Therapy : encore et toujours quelques longueurs, emblème d'un cinéma qui ne sait plus faire des films de moins d'une heure et demie.
Mais c'est la philosophie de David dit-on : mieux vaut trop que pas assez. Non. Trop, c'est trop.
On sort déçu de American Bluff. La ribambelle d'acteurs est globalement divertissante, mais, à toujours vouloir donner dans l'excès, David O'Russel a perdu tout son sens de la maîtrise. Complètement inutile.