American Nightmare a été un succès commercial en 2013 mais récoltait de très mauvaises critiques. Il a inspiré les commentateurs en banalités laconiques et son titre original 'The Purge' a été abondamment tourné en dérision. Il posait cependant un concept au potentiel très riche, imaginant un futur proche où les « nouveaux pères fondateurs » des USA avaient introduit une nuit de purge annuelle, où l'ensemble des crimes, meurtres y compris, étaient permis. Les spectateurs étaient postés du côté d'une famille aisée se contentant de se barricader pendant l'événement, comme la majeure partie de la population.


Nouvel angle cette fois : la séance se déroule autour de cinq protagonistes enfermés dehors, le meneur par choix (afin d'accomplir une vengeance), les autres parce qu'ils ont été la cible d'attaquants sur-équipés. De l'home invasion du premier opus on passe à un cadre plus vaste, englobant l'ensemble de la ville de Los Angeles, ainsi qu'une grande variété de purgeurs et de purgés. De nombreuses possibilités s'ouvrent alors, globalement traitées, mais certaines suspendues ou pas tout à fait déflorées : ainsi, la fin est dommageable car elle ne règle pas tout ; mais elle laisse aussi énormément d'ouvertures pour la suite. Le film aurait été trop lourd sinon, ses ambitions sont déjà à la mesure de son panache.


C'est un film d'action excellent et une dystopie sérieuse, résonnant avec son temps – bien plus franchement que les Hunger Games. Le message et les partis-pris sont explicites. American Nightmare 2 concrétise cette représentation d'une société d'ordre et de liberté totalement hypocrite ; ainsi chacun est autorisé à participer à la purge ou à s'en protéger ; dans les faits, tout est question de moyens. Le groupe des riches organisant des enchères est relativement déshumanisé, mais il l'est car sa situation le lui permet. Leur attitude peut sembler irréelle ; en effet, le contact avec la réalité de l'homme ordinaire est rompu pour eux. Ce n'est pas un trouble mental ou une essence qui les y mènent ; c'est leur position sociale qui le leur permet. Et tout ce qui peut être fait sera fait.


L'engagement politique se fait donc plus marqué encore que dans le premier opus et surtout très direct : la purge est celle des pauvres et à la marge, des ethnies marginalisées. Point de vue assertif et violent, voir caricatural, mais évitant certains écueils : The Purge 2 ne part pas dans une direction hémiplégique ou puérile à la Elysium. Les prédateurs sont partout et il n'y a pas de répartition factice des vices et vertus de la nature humaine ; dans toutes les couches de la société on s'organise pour « libérer la bête ». Simplement comme l'indique un des bourreaux de Salo, « La véritable anarchie est celle du pouvoir » : ceux qui ont les moyens de leurs fantaisies repousseront les limites, d'autant plus qu'ils ne sont pas assujettis aux règles du jeu.


Les contrats en plus d'être forcés n'ont finalement aucune valeur effective, car les nantis ont tous les renforts à leur disposition : qu'il s'agisse du gang ouvertement grotesque bénéficiant du soutien d'une agence de sécurité d'élite, ou de joueurs de haut vol usant des ressources humaines et technologiques allouées par le gouvernement. Face à cette situation inique, il faut trouver des garanties concrètes ; ou passer à l'offensive comme le font les troupes de Carmelo, révolutionnaire interpellant les '99%' ou du moins les '90%' et notamment la fraction déshéritée de la communauté afro-américaine, dans laquelle il trouve déjà un écho. La violence n'est pas valorisée mais jamais le cynisme nécessaire à l'adaptation aux enjeux n'est mis à distance par l'idéologie ou une ('bonne') volonté symbolique.


Les angles morts ou manquements du film sont du côté de l'exploitation pure, plutôt que celui de la logique ou l'intégrité avec son postulat ; par exemple, Carmelo restera un personnage à explorer. Son usage est encore un peu étrange : ses interventions tiennent presque du burlesque sans que son crédit et sa puissance s'en trouvent entamés ; la connexion à l'intelligence de Robocop est évidente (la connerie de V pour Vendetta menace pourtant!). Toutefois il reste un élément périphérique dans ce second opus, croisant au mieux le chemin des héros. De même, il n'y aura aucun retour sur le père sacrifié, malgré l'évidence d'un tel filon ; en contrepartie cette résistance aux rebondissements 'bigger than life' permet au spectateur de ne pas éprouver de décalage par rapport aux situations vécues (une fatalité est une fatalité, le cinéma ne peut pas tout exempter).


Un autre aspect important reste à explorer : comment vit-on la purge en-dehors de la nuit elle-même ? Comment s'y prépare-t-on ? Même s'il semble que la purge soit admise par une population impuissante et accoutumée, il serait intéressant de savoir comment les personnes en mesure de se payer des cobayes pour la sainte-journée se comportent après leurs exactions : font-elle part de leur divertissement à l'entourage, est-ce valorisé, à quel point est-ce banal dans leur milieu, sont-elles affectées après-coup ou immunisées ? La dimension psychopathique et cet espèce de nihilisme policé d'hyperclasse sont déjà bien investis mais James DeMonaco a encore un immense champ de possibles devant lui.


Remarquablement intense (malgré des moyens modestes) et conséquent, American Nightmare 2 ne joue plus dans la même catégorie que son prédécesseur ; c'est un New York 1997 actualisé, intense et abondant. Outre quelques légèretés narratives (le héros ténébreux, la survie in extremis), son seul grand défaut est de ne pas pouvoir tout développer, tâche dont hériteront ses successeurs, pour lesquels la barre est placée haut.


https://zogarok.wordpress.com/2015/04/28/american-nightmare-2-apocalypse/

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le 26 avr. 2015

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Zogarok

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