Nouvelle Vague VS Robert Rodriguez
Ce film me laisse assez perplexe. En réalité, je suis tenté de lui attribuer deux notes différentes:
Partie franco-américaine: 3/10.
Alors que Chiara Mastroianni semble être tout droit sortie d'un film d'Honoré, Demy joue étrangement. A mi-chemin entre film d'auteur et hommage à l'oeuvre de ses parents, Mathieu Demy réalise un long métrage aux airs de "néo nouvelle vague" peu probants. Dialogues artificiels, flash backs recyclés, acteurs absents de leur rôle, la première partie manque de spontanéité. Le personnage de Martin, interprété par Demy lui-même, est très antipathique et ne parvient pas, de ce fait, à rallier le spectateur à sa cause. L'errance n'est à mon sens pas bien montrée non plus, puisque le point de départ de la fuite en avant du personnage paraît relativement injustifié et gratuit. Constamment emprunt de cet air neutre et solennel à la fois, Martin se fait des oeufs, Martin prend l'avion, Martin vide la maison de sa défunte mère, Martin pleure, Martin s'enfuit avec la voiture d'une amie,Martin a une crise d'angoisse, Martin ne parle pas, etc... Abasourdi par la nouvelle de la mort de sa mère, le protagoniste n'arrive pas à gérer son deuil, mais c'est avec une certaine maladresse que Demy nous montre ce parcours chaotique, du moins dans la première partie, trop guindée.
Partie mexicaine: 7/10.
Une fois la frontière passée, le film prend un tournant beaucoup plus intéressant. Martin part à la recherche d'une certaine Lola, jeune mexicaine à qui sa mère a légué son appartement. A travers une virée dans les bas fonds de Tijuana, il se retrouve happé dans un univers envoûtant, et s'éprend de manière déraisonnée de cette Lola, jouée par Salma Hayek, magnifiquement filmée. Alors que le personnage, perdu au milieu de cette jungle latine, s'engage sur une pente descendante en suivant un chemin de perdition et s'attire au passage les pires ennuis (vol, bagarre, clochardisation...), le film assume alors des références plus déjantées qui font souffler un vent de folie douce sur l'histoire. Bar glauque inspiré de l'univers de Rodriguez, folklore mexicain et hommage à Sergio Leone à travers une fausse scène de duel plutôt habile, le réalisateur parvient à donner une seconde chance à son film, qui devient beaucoup plus décalé, léger et libre. Demy se lâche même au niveau du jeu puisqu'il est plus expressif et s'adonne même à quelques fantaisies amusantes. Dépossédé de tout, au propre comme au figuré, le personnage expérimente une période de doute qui s'exprime par une plongée dans les mauvais quartiers de la frontière mexicaine; en parallèle avec une sorte de passion ardente qui ne sera jamais consumée.
Mise à part la fin, légèrement mièvre sur les bords, la seconde moitié est donc réussie.
En résumé, c'est un résultat mitigé mais encourageant qui se dégage de ce premier film, personnel. Il ne faudrait pas que l'héritage cinématographique de Mathieu Demy, empêtré dans ses propres références et sa propre histoire, n'entrave sa créativité et son originalité en tant que cinéaste émancipé de l'influence parentale. L'ensemble reste toutefois prometteur et les thèmes abordés son exploités avec une certaine profondeur.