L'amour vainc tous les obstacles, sauf celui de la mort.
Préambule, je dois dire que, excepté Caché, je n'aime pas les films de Michael Haneke (cela dit, je dois encore voir Le ruban blanc), mais porté par ce casting, j'y suis allé avec un peu plus dde motivation qu'à l'accoutumée, et au final, Amour est un film qui m'a profondément touché, aussi bien par son sujet que par sa place accordée à ses acteurs.
Ici, on assiste à la lente descente vers la fin d'une vieille femme, vue par son mari qui ne peut que l'aider et qui a juré de ne pas l'amener à l'hopital, quoi qu'il arrive. Il va donc s'occuper d'elle, déjà paralysée du coté droit à la suite d'un AVC.
Du côté de la patte de Haneke, les admirateurs (ou détracteurs)) verront que rien n'a changé avec Amour : plans souvent fixes, pas de musique (sauf du Schubert ou du Mozart, composé par un jeune pianiste), une fin qui n'en est pas une et une atonalité qui peut susciter un certain rejet par le manque de chaleur.
Mais ô miracle, ce qui est perçu comme de la froideur est ici perçu comme un combat (perdu d'avance) entre un vieil homme qui veut soigner et chérir sa femme coute que coute alors qu'il sait qu'elle est en train de partir, et que la maladie d'Alzheimer est malheureusement en train de faire son oeuvre.
On y retrouve aussi à deux moments un pigeon, qui va représenter aussi une certaine forme d'amour, quand Trintignant va réussir à le capturer.
Le titre renvoie à une autre forme d'amour qu'expriment les gens du quatrième âge, celui où ils restent soudés face aux difficultés, où l'amour passe par des gestes, quelque chose qui renvoie à notre universalité.
D'ailleurs, je trouve que les deux acteurs principaux, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintingant, sont formidables, car on croirait voir un couple à la dérive, et où Riva fait un travail de composition remarquable ; je n'ai jamais vu vraiment vu de personne victime d'Alzheimer, et ce que j'ai vu m'a limite terrorisé. Trintignant doit alors faire face pour deux, aussi bien dans son intérieur, face à sa fille (Isabelle Hupper, qui a un rôle secondaire) qu'à l'extérieur, où il se doit de rester digne, et éviter l'humilitation de présenter sa femme face à des invités (comme le jeune pianiste, qui gênera Riva par ses questions indiscrètes).
On y parle aussi du traitement des personnes âgées du côté des infirmières, notamment l'une d'entre elles qui la brutalise un peu pour lui faire une beauté, ce qui provoquera une colère de Trintignant, qui montrera le seul moment du film où il va devenir dur; lui qui parait comme un caractère d'ours.
De façon plus large, je suis un grand amateur de Jean-Louis Trintingnant, que j'ai déjà rencontré à plusieurs reprises dans le passé, et la dernière scène où il apparait m'a fendu le coeur, car on sent viscéralement que l'on ne le verra plus devant une caméra, et qu'il nous offre, avec ce film, un très beau cadeau d'adieu.
Il a un beau moment ; dans le film, il se met à fumer devant une fenêtre, peut-être parcque sa femme ne doit pas supporter l'odeur. Puis, il va mettre à fumer dans son salon, ce qui veut tout dire sur sa résignation, et Trintignant le joue magnifiquement bien, car on sent que tout est dit dès ce plan-là.
Pour finir, je tiens à dire que, malgré le sujet difficile, malgré la réalisation qui peut heurter (pas dans le sens moraliste du terme), Amour est une très belle ode aux sentiements qui perdurent, et à la difficulté de vivre à deux malgré la maladie.
De manière plus générale, c'est la première fois qu'un film de Michael Haneke m'emballe, comme quoi tout est possible.