Attention SPOILER


Quel meilleur titre que ce mot « Amour » pour ce film qui traite d'un thème assez rare au cinéma : la fin de vie.
Ce sujet est traité à travers le vécu d'un couple d'octogénaires, Anne et Georges, confronté à la maladie, à la dégénérescence d'Anne, victime d'attaques cérébrales qui la privent progressivement de l'usage des son côté droit, puis de la parole.


Ce film est d'abord l'éloge de la lenteur. Certains y verront des scènes inutiles ou trop longues. Moi au contraire, j'ai beaucoup apprécié que Haneke prenne le temps de nous faire entrer dans le quotidien, les pensées, les souvenirs de ses personnages, donnant ainsi à leur relation une note si intime.
Chaque image, chaque parole, chaque détail (même la bataille avec le pigeon si décriée) a un sens. Tout est sujet. Tout est signifiant. Le soin accordé aux gestes d'accompagnement de soutien, d'hygiène, de repas rend toute la sollicitude que le mari a pour sa femme, tout l'Amour. Il n'y a en effet pas d'autre mot, d'où le titre aussi sobre que la mise en scène.


Il faut ensuite parler de la bande son qui est aussi très caractéristique : d'abord la musique qui est leur passion commune, le ciment qui unit ce couple. Elle était une grande professeure de piano et lui, un mélomane convaincu. Ce thème donne des scènes remarquables, comme celle où Georges revoit dans ses souvenirs, sa femme jouant au piano, ou encore la scène où ils chantent ensemble « sur le pont d'Avignon ». Lui avec sa voix chantante et chaude, et elle avec sa voir chevrotante, hésitante mais si pleine d'envie. On y lit toute la complicité qui les unit.


Il y a aussi les dialogues, qui se poursuivent hors champ, pour marquer la continuité de la relation. J'ai lu dans certaines critiques que les dialogues étaient creux. Je ne pense pas qu'ils le soient, même s'ils sont reliés souvent au quotidien. C'est bien ce qui fait le sens de la vie, n'est-ce-pas ? Ce qu'on partage avec l'autre, à travers nos habitudes, notre histoire commune, nos souvenirs. C'est le ciment du couple ce quotidien, ce partage constant, cette proximité. C'est justement cela qui rend, à mon avis, le film émouvant.


Les deux acteurs principaux, Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont extraordinaires. Leur jeu est criant de vérité, de justesse. Ils sont magnifiquement dirigés par Haneke qui leur impose cette retenue et en même temps cette passion. Tout est affaire de dosage.


Les relations avec la fille, jouée par Isabelle Huppert (toujours aussi magnifique) sont ambiguës, compliquées. Au début, elle parait presque indifférente au sort de ses parents, à côté de la plaque. Puis, la prise de conscience se fait au fur et à mesure de l'évolution de la maladie. Elle est prise alors de compassion tour à tour pour sa mère et son père. Désireuse de protéger son père de la charge qu'elle estime être lourde, elle cherche des solutions. Mais ces solutions semblent extérieures au père, irréalisables, contraires à sa promesse qu'il a faite à sa femme de ne jamais l'hospitaliser.


Il va de ce fait prendre en charge sa femme, quasiment seul et effectivement ce sera lourd pour lui, d'où la scène de la gifle. Il ne peut pas supporter qu'elle refuse de s'alimenter. Il prend cela pour une provocation, d'où sa colère qui montre aussi son épuisement. Ses nerfs lâchent.
Conscient de ses limites, ne pouvant plus supporter les souffrances de sa femme, il prendra alors la décision finale, celle de l'étouffer sous un oreiller.


J'ai lu dans certaines critiques que les spectateurs parlent d'assassinat et disent que Haneke est un militant politique de l'euthanasie. Permettez moi de voir les choses différemment. Pour moi, il s'agit plus d'un acte d'Amour. Haneke ne fait pas, à mon avis, de discours politique en faveur de l'euthanasie. Il raconte juste une histoire particulière, celle qui unit deux êtres qui s'aiment et qui ne veulent pas être séparés par la maladie. En témoigne la scène où Georges quitte la maison avec Anne.


Un conseil pour voir ce film : prenez le temps de le voir dans de bonne conditions, au calme, sans urgences. Laissez-vous porter par cette intimité, sans précipitations et vous ne l'apprécierez que davantage.

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le 12 sept. 2015

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