La nouvelle vague du cinéma roumain continue d’envahir nos salles de cinéma françaises. Et c’est toujours un plaisir de découvrir des cinématographies nouvelles mais attention à ce que celui-ci, ou en tout cas le cinéma roumain tel qu’on le perçoit via les films qui ont la chance de sortir chez nous, ne devienne par une caricature de lui-même. Après « Mère et fils » du même réalisateur qui a eu l’Ours d’or à Berlin, voici « Ana, mon amour » qui a lui reçu l’Ours d’Argent. Le metteur en scène Calin Peter Netzer semble devenir un habitué du festival allemand et une bête de festival. Et c’est ce que l’on commence à reprocher à ces films roumains, de la Palme d’Or « 4 mois, 3 semaines et 2 jours » en passant par l’interminable « Sierranevada », le primé à Cannes « Baccalauréat » ou encore « Illégitime » : tous des films d’auteurs très (trop !) sérieux, qui prennent plus ou moins le pouls de l’ère post-Ceaucescu par le prisme de différents genres (ici le drame romantique) mais sont d’une ascétisme formel plombant et surtout souvent trop longs et bavards. Des œuvres peu amènes, plus promptes à flatter sélectionneurs et festivaliers plutôt que le spectateur. Des œuvres jamais distrayantes dans lesquelles il faut faire un effort considérable pour se plonger au risque de rester en dehors. A force donc, une forme de caricature de cinéma d’auteur que l’on qualifiera des antipodes tout autant que de films de festivals intello. Et, malgré son beau sujet, « Ana, mon amour » ne faillit pas à la règle, surtout lorsqu’il rajoute à cela une bonne dose de glauque et des détails peu ragoûtants, quand bien même ils illustrent le sujet.
On suit, durant une période de dix ans, la relation amoureuse destructrice et empoisonnée d’un couple. Elle est instable et dépressive, lui est possessif et manque de confiance. C’est réaliste et bien joué et certaines données psychologiques sont tout à fait avérées et pertinentes, mais tout cela devient vite, au bout de deux heures, nauséeux et aussi déprimant que le sujet traité. C’est l’exemple même du cinéma égoïste qui demande trop d’efforts au spectateur et se satisfait de lui-même quitte à perdre une bonne partie de son public. On pense beaucoup à « Mon Roi » de Maïwenn autrement plus réussi et rempli d’émotions. Mais dans le cinéma roumain, noir c’est noir, et difficile de voir une lueur d’espoir. Et de confondre tout cette romance malheureuse dans le fatras de la psychologie de doctorat et de la religion rend le tout encore plus indigeste sur la durée. La psychanalyse initiale (l’homme se remémore les souvenirs de son histoire d’amour sur le divan d’un psy) est clichée et le fait d’utiliser un montage tout sauf chronologique (où seule la calvitie de Toma nous éclaire sur la période) ne fait que rendre le propos encore plus obscur. Cela nous confisque bon nombre de clés de compréhension des personnages. Au final, « Ana, mon amour » aurait été un bon film sur la passion, l’emprise, la dépendance à l’autre ou encore l’inversion des rôles si le traitement n’avait été aussi malaimable et donc dénué de toute l’émotion qu’il nécessitait. On sort de là sans avoir saisi toutes les nuances psychologiques de leur amour ni ce que le réalisateur avait voulu nous dire dans les détails, juste content de quitter le projection d’un film triste, hermétique et qui donne le cafard en dépit de la force du propos et de l’investissement sans borne des acteurs.