Perdre au jeu
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Si Anatomie d'une chute porte son attention sur des sujets aussi complexes que personnels qu'extrêmement douloureux, le film de Justine Triet s'ancre surtout dans un élan de renouveau du cinéma français qui - depuis les poussées politiques de la Nouvelle Vague (notamment avec le sujet de la Guerre d'Algérie) avait du mal à questionner son présent et à y émettre un point-de-vue - prouve depuis quelques années que ce dernier est capable de s'emparer de grandes thématiques sociétales au travers de purs films de genre tels que Goliath, Revoir Paris ou encore Novembre.
Il est alors évident que la "chute" mise en avant dans le titre du film prend de multiples sens :
Anatomie d'une chute est donc autant pensé comme un film de procès qu'un drame brutal où la cinéaste confronte avec une grande froideur et un réalisme touchant quasiment au registre du documentaire la détresse de ses personnages face à l'impartialité de la machine juridique.
Au travers des enregistrements audio, des reconstitutions ou encore des témoignages, l'espace de la cour du tribunal et du lieu de la mort (la maison familiale) coexistent dans une narration longue mais surtout pesante où les regards et les paroles voraces des enquêteurs et des avocats - en explorant les failles de ce qui n'est pas montré - scrutent ce qui pourrait à tout moment faire basculer le jugement.
Malgré la douleur, l'épuisement et la fracture évidente qui s'opère en et entre les personnages par le fait de voir leur vie disséquée en public, il ne semble pourtant pas que l'objectif premier soit d'en ressortir un discours critique mais plutôt de questionner les limites d'un système où les certitudes et les interprétations de chacun constituent les sources indispensables afin d'assembler les pièces du puzzle. Au-delà donc d'un film de procès extrêmement maîtrisé, Anatomie d'une chute se veut également comme un film sur le procès par son analyse de la part spéculative et fictionnelle nécessaire entourant le déroulement de ce dernier ; les faits qui y sont rapportés ne seront jamais les faits réels mais ceux façonnés par le récit de chacun car la vérité est bien souvent la moins excitante des révélations.
Entre nous, c'est tout-de-même plus excitant de dire que c'est une auteure connue qui a assassiné son mari plutôt que de dire que c'est lui qui s'est suicidé.
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Créée
le 27 août 2023
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