Un excellent film !

Anatomie d’une chute est une œuvre très intéressante, par les thèmes abordés (le couple, la création littéraire, la justice) et par ses quelques audaces cinématographiques, notamment par la manière d’enchaîner les séquences ou de les juxtaposer : ainsi lorsque le père parle avec la voix du fils, narrateur à ce moment-là, ou encore lorsque la fin de la dispute n’est plus vue mais seulement entendue à travers le fichier audio diffusé lors du procès. Ces quelques exemples témoignent de l’intelligence du film, ce ne sont pas que des procédés destinés à éblouir le lecteur mais cela prend réellement du sens dans la dynamique du récit. Et on peut en dire autant des angles de prise de vue qui jouent à montrer aussi bien qu’à ne pas montrer. La vision est en effet essentielle dans ce récit dont l’un des protagonistes est presque aveugle : que peut-on savoir de ce que l’on n’a pas vu ?  Cette question rejoint l’un des thèmes du film, celui de la justice. Comment peut-on juger de ce que l’on n’a pas vu ? quelles sont les motivations du procureur, particulièrement désagréable, ou de la présidente, hautaine et rigide ? Le film questionne avec acuité cette justice fonctionnant comme une sorte de machine kafkaïenne.Les autres thèmes posent des questions finalement très proches et c’est ce qui fait l’unité de l’œuvre. Ainsi comment pourrait-on juger les protagonistes de ce couple au cours de cette longue et violente dispute ? n’ont-ils pas tous deux un peu raison ? Tout couple ne repose-t-il pas peu ou prou sur le fil d’un rasoir ? De même, que peut-on dire d’un roman qui n’a pas été achevé et qui est presque resté à l’état de projet ?Par tous ces questionnements, car on a eu ici l’intelligence de ne pas trancher, de ne pas répondre, par la justesse du montage et son art de filmer, voici une œuvre qui nous fait attendre avec impatience la prochaine production de Justine Triet.