Un dénouement regrettable

C’est grâce à la rediffusion de ce film au cinéma que j’ai pu le découvrir sur grand écran. Parfois, repousser le visionnage d’un film peut être bénéfique et Anatomie d’une chute ne déroge pas à la règle.

Le film brille par une interprétation des acteurs très juste et une mise en scène sobre mais efficace. tout est réalisé avec brio. Justine Triet transcende le simple cadre d'un procès en nous offrant une plongée dans une famille en crise.

Généralement, dans les films de procès l’issue est évidente dès le début en nous exposant les faits ou en prenant très vite parti, ou non pour l’accusé. Cependant Triet décide maintenir le spectateur dans le flou tout au long du film. L'apparente innocence de Sandra est constamment remise en question, incitant le spectateur à reconsidérer son opinion au fur et à mesure de l'intrigue.

Le film va au-delà d’un simple film de procès, anatomie d’une chute évoque surtout la vie d’un couple, où chaque personnage est minutieusement développé, révélant des faiblesses et des opinions qui influent sur la balance de l'innocence  de l’un et de l’autre.

C’est ici que Triet réussi le mieux ce qu’elle entreprend, particulièrement lors de la scène de dispute entre Sandra et son mari, où on en apprend plus sur leur relations, sans tout nous dévoiler pour autant. Parmi les séquences qui nous montrent que Triet a compris la direction qu’elle souhaite prendre, on peut relever la coupure nette de la dispute, où on revient au tribunal, avec simplement la suite de l’enregistrement audio. On met le spectateur dans le doute constant, lui laissant des indices avec lesquels il pourrait se rattacher, mais qui chacune finissent par être brouillées. Le tout sublimé par le jeu de l’avocat Antoine Reinartz, qui est loin d’être aussi horrible que l’on dit, mais qui exerce son métier avec brio. 

Je regrette néanmoins le dénouement, loin d’être raffiné et brisant toute l’ambiguïté soigneusement instaurée. L’enfant fait le témoignage final au nom de son père. Mais nous montrer ce discours en filmant son père sous forme de flashback nous prouve que cet évènement s’est réellement passé et nuit au doute en nous révélant de manière brutale la résolution du prétendu meurtre. Laisser la caméra sur l’enfant aurait préservé l’ambiguïté quant à la véracité de ses propos, en donnant une réponse au spectateur tout en lui laissant une once de réflexion et de doute sur le fait qu’il aurait pu mentir. 

Malgré ce regret, la Palme d'Or remportée par ce film français est justifiée. Anatomie d'une Chute réussit, malgré quelques réserves, à captiver le spectateur par son intelligence narrative, son exploration des relations familiales et son jeu d'acteurs exceptionnel. La réalisatrice mérite amplement les éloges et la reconnaissance obtenues par ce film et aurait finalement un meilleur talent que prévu.