Nolan démontre une imagination incontestablement débordante, mais la transposition de ses idées à l'écran reste problématique, il lui reste une marche à gravir le niveau des meilleurs, une marche qu’il peine à atteindre. On peut clairement percevoir ses défauts, qui se manifestent tous dans "Oppenheimer". On aura le temps de les voir un par un car nous les retrouvons tous ici.
Le film est à l’image de son réalisateur, le rythme effréné ne laisse aucune place à l'ennui, mais curieusement, c'est l’inverse qui se produit. Le film ne prend jamais le temps donc tout est expédié rapidement, le montage est surdynamqiue et on nous explique tout sur tout, sans cesse, avec des dialogues interminables et pesants. Nolan échoue à donner de l'ampleur aux scènes et à susciter des émotions chez les spectateurs. On aurait pu espérer quelque chose de novateur, il avait toutes les cartes en main, mais cela reste loin d'être le cas.
Rien ne se passe à l’écran tout est démontré à travers des dialogues à ralonge et loin d’être raffinés. Nous sommes face à un des nombreux problèmes de Nolan. Une des raisons pour lesquelles ce n’est pas un réalisateur d’exception, c’est en partie car il ne met rien en scène et ne cherche pas à nous communiquer à travers sa mise en scène et l’image, tout passe par le dialogue ou l’expression explicite. Autant nous faire une pièce de théâtre à ce point là.
La première partie du film est si mauvaise et peu captivante que même le premier test de la bombe A n'a pas réussi à susciter d'émotion et laisse totalement de marbre. Le décompte et la détonation sans le moindre son, séquence enfin calme et posée durant laquelle le spectateur retient son souffle pendant une minute, sont pourtant un choix intéressant, mais sont éclipsés par la déconnexion du reste du film.
On nous fait croire que Nolan aime la science, c'est probablement le cas, mais il ne sait pas nous le faire transmettre. Il nous introduit une pelote de scientifiques, sans même nous expliquer qui ils sont, ou ce qu'ils ont fait. La première partie du film tournera autour d'eux, mais ils ne sont rien e plus que des objets, sans grande valeur, ni aucune humanisation. Ce ne sont que des caricatures, surtout Einstein. Même le casting 5 étoiles fait défaut au film. Les apparitions des têtes d'affiche semblent être des caméos éphémères.
Le seconde partie du film se voudrait néanmoins assez interessante avec le twist qui se présente à nous, mais l'interprétation tombe à plat. Les discours répétitifs de l'équipe d'Oppenheimer pour révéler leur tromperie sont trop longs et explicites. Le sommet de l'absurdité réside dans l'explication complète du plan machiavélique de Strauss, interprété de manière magnifique par Downey Jr, qui rappelle un mauvais nanar.
Cependant, tout n'est pas à jeter. Les performances des acteurs sont bonnes, et l'aspect politique, notamment la méfiance du gouvernement américain envers les communistes, est intéressant. Et la musique. C’est une excellente transition pour mentionner cette bande originale incessante qui vient hurler dans les oreilles du spectateur et surligner tout ce qui se passe à l’écran.
Il faut mentionner deux scènes puissantes (heureusement qu’il y en a car sur 3 heures de films on a le temps de s’ennuyer) : le discours poignant d'Oppenheimer, poignante et admirablement mis en scène, puis la scène finale du film.
En somme, ce film reflète l'empreinte de son réalisateur : prétentieux et metteur en scène maladroit. Malheureusement, ce film concentre tout ce qui fait d’un film un mauvais film.