Heureusement que j'ai vu ce film chez moi et pas en salle. Cela m'a permis de me précipiter aussitôt après sur un épisode au hasard de "La petite maison dans la prairie", histoire de purger un peu tout ça.

Mais commençons par le début. L'héroïne intello-bobo, allemande, rencontre le héros tout aussi intello-bobo, français, à Londres et c'est l'amour. "Auparavant, je ne comprenais rien aux gens, tout à coup, j'avais quelqu'un qui me comprenait" (citation approximative, de mémoire). Quinze ou vingt ans plus tard, mariés, ils sont tous deux écrivains (avec plus ou moins de réussite) et exilés volontaires dans un chalet au milieu de nulle part en Isère. Avec leur petit garçon d'une dizaine d'années, devenu malvoyant suite à un accident de la route, et un chien fort sympathique.

Le mari tombe du haut du chalet et meurt. On suit l'enquête, puis le procès, de ce "fait divers" qui exclut, d'emblée, l'hypothèse de l'accident. Restent le meurtre ou le suicide. Sachant que si c'est un meurtre, il n'a pu être commis que par l'épouse. C'est lui ou elle.

On peut voir dans ce film une enquête policière et un processus judiciaire à la recherche de la vérité. Avec, crûment exposées, les déficiences et l'inhumanité de ces institutions, au point que la bascule décisive vient de l'intervention, toute personnelle et hors procédure, d'une contrôleuse judiciaire qui était précisément là pour garantir l'objectivité des débats, et qui conseille finalement de s'en remettre à une décision personnelle.

On peut y voir la chute d'un couple. Des débuts, où, de soutien en confiance, on décuple son énergie créative et son enthousiasme, aux constats et aux regrets qui, 15 ou 20 ans après, accumulent rancoeurs et reproches, avec la conscience cruelle que les torts sont bien partagés.

On peut y voir une démonstration philosophique implacable de cette Vérité qui existe incontestablement, mais nous est inaccessible, à nous pauvres humains.

Personnellement, j'y vois un couple qui, refusant obstinément et égoïstement de régler ses problèmes, refile à son enfant de 10 ans un fardeau écrasant qu'il devra traîner toute sa vie.

Quel que soit le point de vue adopté, on retrouve un récit complet, cohérent, rigoureux et fluide, d'une lenteur qui résonne d'angoisse. Les dialogues sont impeccables et les acteurs absolument parfaits. Je passe sur quelques frustrations personnelles : l'enregistrement audio qui, selon moi, n'aurait pas dû être imagé, puisque audio… et le statut d'ex-amoureux transi de l'avocat dont je n'ai pas compris l'utilité. Mais ce qui est plus grave, c'est que tout cet assemblage parfait est finalement désagréable à regarder. C'est sans doute volontairement long, froid et lourd, mais est-ce bien nécessaire ? Je fais partie des gens qui préfèrent regarder des films… agréables à regarder.

Nita_Bis
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le 15 janv. 2024

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Nita_Bis

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