Il est intéressant de constater à quel point la croyance chez Tarkovski se fait ouverte ; elle exalte l'art, aime la vie, questionne librement l'esprit et les sens, et s'affranchit de tout dogmatisme. C'est par cette même"foi éclairée" (pas tant en Dieu qu'en l'art) que le célèbre iconographe, alter-égo du cinéaste lui-même, tente de faire comprendre sa vision du monde.
Si "Andreï Roublev" tient une place si importante dans l'œuvre du réalisateur russe, c'est qu'il porte en lui la quintessence de l'un de ses plus grands thèmes : le rôle de l'artiste dans le monde. Dans une reconstitution monumentale de la Russie obscurantiste et tourmentée du XVème siècle, Tarkovski filme avec sa maîtrise plastique sans égal l'histoire d'un poète faisant son apprentissage du monde et cherchant la foi en son art. L'éveil, la lutte, la résignation, puis l'espoir retrouvé : que ce soit dans la Russie moyenâgeuse ou en URSS (ce qui aura valu au film d'être censuré trois ans), il raconte une histoire intemporelle, celle de l'artiste face à son époque. Chaque plan comporte sa rudesse, sa part d'espérance, ses doutes irréductibles. Mais tout se termine par une unique certitude ; ce qui prévaut, c'est la foi inconditionnelle en l'art, éternelle source de lumière. Magnifique.