« Angel » est un film américain, réalisé par Ernst Lubitsch en 1937. Ses plus grands succès viendront après, à la fin des années 30 et dans les années 40, Lubitsch est déjà à l’époque un réalisateur reconnu et expérimenté, et « Angel » comporte la plupart des éléments qui seront caractéristiques de son style.
Le film s’ouvre sur Paris, France – à laquelle Lubitsch a d’ailleurs déclaré préférer Paris, Paramount. La silhouette d’un transporteur privé fend un ciel nuageux, tandis que nous surplombons la place de l’Etoile, bondée.
Nous rencontrons alors une dame de grande beauté, à l’ostensible richesse, venue réserver une chambre dans un palace parisien, au nom de ‘Mrs. Brown’. Elle semble préoccupée lorsque l’employé lui demande son passeport, mais, la proverbiale discrétion des hôteliers français semble toutefois la rassurer.
Madame Brown se rend ensuite chez l’une de ses vieilles amies, une grande duchesse russe qui jouit d’une position prestigieuse dans la capitale française, et dont l’hôtel particulier peut s’enorgueillir d’un public raffiné. Si la grande duchesse est heureuse de la recevoir, son altesse est malheureusement très occupée, et ne cesse d’être dérangée. Lorsqu’elles sont interrompues en pleine conversation par un inopportun appel téléphonique, Madame Brown s’éclipse avec grâce dans l’un des salons de la luxueuse demeure. Un salon, où elle fait la rencontre du ténébreux Anthony Halton…
Le scénario de « Angel » est, somme toute, assez classique. C’est l’histoire d’une femme délaissée par son mari trop occupé par son travail, qui, pour se divertir, prend un amant.
À partir de là, le succès du film va résider en sa capacité à nous intéresser aux personnages : à leur qualité d’écriture, et surtout d’interprétation.
Le mari, joué par Herbert Marshall, remplit assez correctement son office : sa voix monocorde, sa bonhommie naturelle et son allure débonnaire rendent raisonnablement crédible son personnage de diplomate et de mari affable. Il manque cependant un peu d’une vraie présence, d’un vrai charisme, lui qui est censé incarner l’un des hommes clés les plus importants de la politique étrangère britannique.
L’amant, interprété quant à lui par Melvyn Douglas, me convainc assez peu. L’acteur possède trop peu de flamboyance, de charme, pourtant nécessaires au traitement de son personnage – un homme à femmes à l’attraction redoutable.
Enfin, l’épouse, c’est Marlene Dietrich. Ceux qui m’ont déjà lu savent que je ne peux en parler qu’en bien. Ici encore, c’est elle qui sauve le film ; si certaines de ses scènes ne sont pas spécialement marquantes, c’est elle qui possède les meilleures répliques du film – dont l’histoire est centrée sur elle. Et lorsqu’elle fait ce qu’elle fait de mieux, c’est-à-dire se comporter comme une garce, c’est toujours aussi génial.
Globalement, le film fonctionne, sans extravagance ni génie, toutefois.
Il y a des scènes grandioses, le final, bien sûr, mais aussi toute la partie qui met en scène le trio dans la richissime demeure des Barker. La plupart des dialogues possède un bon niveau d’écriture, et l’on décèle par moments quelques pépites de double-sens et d’insinuations brillantes.
Si ses œuvres les plus connues viendront après, Lubitsch signe ici avec « Angel » un film agréable, où de nombreux éléments caractéristiques de son style sont déjà présents : badinage, haute société, dialogues inspirés, et une touche certaine d’humour.