Nami et Muraki volume 3
Un cran en dessous du volume 2, ce film présente toutefois de grandes qualités notamment techniques. Noboru Tanaka qui a fait quelques œuvres majeures maîtrise l’éclairage, la couleur, l’image, les...
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le 22 juin 2021
Le foisonnant Nami, 1h38 au lieu des 1h-1h10 routiniers, s’ouvre magistralement. Une femme fuit devant ce que l’on croit être la vue subjective d’un agresseur. Le tournage guérilla – sans autorisation dans la rue – au milieu de passants effarés, prend tout son sens dans cette poursuite. Acculée dans une ruelle, la victime se défend avec un bâton et... brise le verre de l’objectif. Belle et surprenante idée d'une caméra littéralement agresseur dans un film sur le spectacle du viol.
Version vidéo de ce texte : https://youtu.be/AciXFok3v3U
Alors que le volet de Sone (Red Classroom) faisait éclater le mirage chatoyant de Tokyo dans une décharge du quartier rouge, Tanaka montre une violence reléguée en périphérie de la ville : banlieues vides, maison abandonnée et terrain vague où un chat ne poserait pas une patte. En 1979, la zone désolée, ses habitants expropriés pour le projet d’agrandissement de l’aéroport d’Haneda, rappelle l’échec 8 ans plus tôt de la lutte emblématique contre celui de Narita tranquillement inauguré l’année passée.
À l’intérieur de la ville onirique, éclairage en néons bleus et rouges floutés par la pluie, Nami travaille pour The Woman – magazine féminin à l'équipe de rédaction ironiquement masculine – et relate des histoires de viols comme le gros des Roman Porno depuis quelque temps. La longiligne Eri Kanuma, un peu trop motivée et heureuse d’être le rôle principal, se repaît d'histoires sordides avec des méthodes intrusives qui re-traumatisent les victimes dont elle cherche le témoignage. Aux pornographes qui font le sel introspectif de la série de films Angel Guts, Tanaka et Takashi Ishii incluent le journalisme sensationnel. La caméra implique le public dans cette introspection par l’obscénité du gros plan qui nous fond dans le l'œil de la voyeuriste, une méthode répandue du roman porno qui a l’avantage de mettre en valeur le minois des vedettes. L'originalité vient des nombreux regards caméra nous compromettant d’autant plus et nous interrogeant directement dans le final.
Dans cette ambiance factice, même le cul se vit par procuration pour ses habitants insatisfaits. La première scène d'amour de Nami est ellipsée ; le corps de l’actrice dénudé bien plus tard dans une scène de masturbation au son d’un succès pop. Car son véritable plaisir est solitaire. Par quatre fois la voyeuriste jouit la tête remplie de viols. Son brave mec ne peut pas rivaliser avec la surabondance de ces images. Effacement de l’homme encore une fois. Pareil pour Muraki, le viril Takeo Chii ici mou comme son bob et caché derrière des lunettes noires – costume particulièrement ridicule en saison des pluies. Célibataire impotent, lui aussi s’entoure d'images pornographiques “pour le travail”.
Évidemment la laideur du refoulé vient abattre ce doux mirage dans une morgue à coup d’érotique grotesque qu’affectionne Tanaka. Mais le cauchemardesque envahit surtout le lieu de travail de Nami. Des fois qu’on se perde dans un film qui enchaîne un peu vite ses nombreuses thématiques de violence sexuelle et économique, le virage dans la folie obsessive de Nami s’illustre pendant une scène de pluie où elle prend la pose devant les lettres OL (pour Office Lady : employée) d'un néon rouge géant. Remercions la distance culturelle et temporelle d’atténuer la lourdeur du signe dans un film autrement plus malin.
Fragilisée par la discrète pression subie au travail, Nami donne beaucoup trop frontalement à ses collègues le scabreux spectacle sexuel réclamé. Encore une des nombreuses idées époustouflantes du film quand l'image d’exhibitionniste qu’elle se renvoie s’imprime sur sa rétine : spectatrice désespérée de sa propre prostitution au travail.
Trop rapide pour construire des émotions désespérées comme le langoureux Red Classroom, Tanaka multiplie les idées, conscient de bénéficier des dernières heures fastueuses du Roman Porno coincé entre les plantureuses amatrices de SM et les petites filles jouissant de la réussite économique. Deux ans plus tard, Red Porno, visionnaire quatrième film de la série, prolonge cette angoisse urbaine dans un repli narcissique délesté de toute lutte politique.
Le thème musical : https://youtu.be/XDOOtcVy73w
La chanson récurrente du film : https://youtu.be/M3-K4knCeLE
Le Roman Porno fête ses 50 ans (même s'il est mort bien plus jeune) https://www.senscritique.com/liste/Roman_porno_Nikkatsu/2585540
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Créée
le 13 déc. 2021
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