Pour combler une passagère mais viscérale envie de thriller à l'intrigue sombre et glauque, Angel Heart était là, depuis longtemps, simplement sur l'étagère, se faisant tristement attendre parmi tant d'autres. Pourquoi ce destin ? Il n'y a pas vraiment de réponse justifiée, juste que d'autres envies, si passagères soient-elles également, l'ont devancé par manque de patience, car à force d'attendre, on oublie et on laisse prendre la poussière. Mais à l'inverse, quand on épuise quasiment toutes ses ressources, il est toujours là, à attendre. Son jour était enfin venu, lui qui avait tant attendu...

Angel Heart d'Alan Parker dévoile enfin son histoire, au cours des années 50, à travers une sombre et glauque enquête, menée par Harry Angel, détective privé. Contacté par un certain Louis Cyphre, il est chargé de retrouver un dénommé Johnny Favourite, ancien crooner mystérieusement disparu douze ans auparavant, alors qu'il avait une dette envers Louis Cyphre.

De quoi ficeler habilement la trame de son film, digne d'un bon vieux thriller, Alan Parker ne s'arrête pas là. Il se permet d'utiliser un grand nombre de codes relatifs au film noir, avec son intrigue située dans les années 1950, son détective privé de second ordre, ses femmes fatale. Il instaure une ambiance des plus oppressantes, organiques et obscures. Ruelles, façades d’immeubles, ascenseurs métalliques, tout semble maîtrisé avec une telle finesse que chaque plan marque, interroge, lancine. Visuellement, Alan Parker excelle en grand cinéaste, au talent certifié et à l'identité irréductible.

Mais l'originalité transcendante découle de son thème principal. Angel Heart libère sa rage et confirme sa force de caractère à travers sa trame narrative des plus obsédantes, intemporelle, manipulant le spectateur par le bout du nez, en lui créant de fausses pistes pour faire perdurer le fantasme et l'illusion, mais jamais dans son évidence exacte, le déstabilisant au plus haut point par son coup de théâtre final, à la puissance psychologique démesurée, exposé à la perfection par un Mickey Rourke aliéné (Fincher et Nolan ont du aimer ce film...). Le tout porté par une bande son des plus étouffantes malgré sa fine discrétion dans la totalité du film. Comme si tout prenait soudainement son sens et justifiait logiquement la place qu'il occupe. Je n'ai pas évoqué la prestation de Robert De Niro mais disons simplement que sa terrifiante discrétion lui octroie cette figure capitale.

Il en aura fallu du temps, mais Angel Heart aura le juste mérite de rester parmi les plus grosses claques que j'ai prises en matière de cinéma, comme si cette envie initiale vieille d'un bon nombre d'années avait maturé dans mon inconscient pour me délivrer ses prouesses dignes d'une lettre d'amour à la puissance lyrique inégalable. Il est d'autant plus clair qu'un tel avis ne peut être que subjectif et personnel car beaucoup ne partagent pas le même et perçoivent le film différemment. Mais le plaisir que j'ai eu à l'écrire m'en laisse encore sans voix (ou sans mains pour taper...).

Créée

le 23 oct. 2014

Critique lue 3.4K fois

26 j'aime

10 commentaires

langpier

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

26
10

D'autres avis sur Angel Heart - Aux portes de l'enfer

Angel Heart - Aux portes de l'enfer
real_folk_blues
7

Parker, Louis ne perd jamais.

Assez étrangement, je ne peux m’empêcher de rapprocher Angel Heart de Jacob’s Ladder, bien que ce dernier soit postérieur. Il y a ce quelque chose dans la forme ; bleutée, moite, organique, même si...

le 29 mars 2013

62 j'aime

18

Angel Heart - Aux portes de l'enfer
Buddy_Noone
9

Quand descend l'ascenseur...

Si vous essayez de mesurer la popularité d'Angel Heart en farfouillant sur la toile, vous remarquerez à quel point le film d'Alan Parker n'est finalement pas toujours très apprécié. Certains pointent...

le 18 nov. 2020

34 j'aime

15

Angel Heart - Aux portes de l'enfer
Ugly
9

Le mythe Faustien revisité

La première vision de ce film en VHS en 1987 m'avait déjà bien secoué les tripes, je l'ai revu plus tard, puis plus récemment sur le câble, et c'est toujours aussi vertigineux. Alan Parker utilise le...

Par

le 9 sept. 2016

30 j'aime

12

Du même critique

Black Panther
langpier
6

Je suis ? Je suis ? Euh... Bagheera ?

Le Marvel Cinematic Universe s'est empli d'une sacrée flopée de films depuis si peu d'années. Avec un rythme de deux ou trois sorties par an, la franchise ne fait pas dans la dentelle et parvient...

le 16 févr. 2018

62 j'aime

4

Christine
langpier
10

Les abjections de l'adolescence

Dans leur domaine, Stephen King et John Carpenter s'équivalent. Tous deux maîtres de l'horreur, mais dans leur univers, ils sont deux grandes figures à la renommée internationale, deux emblèmes d'un...

le 30 janv. 2015

33 j'aime

24

Enfant 44
langpier
6

Immersion singulière

2015 voit sortir ce Enfant 44, adaptation du roman éponyme de Tom Rob Smith, sorti en 2008. Un certain Daniel Espinosa, connu sans être vraiment reconnu pour son travail, s'est vu confier la...

le 18 avr. 2015

31 j'aime