Le titre parle pour lui même, l'affiche vaguement inquiétante promet de la série B pure et dure ; pour les amateurs de films d'horreur, Angoisse semble tout désigné pour être le gentillet film du vendredi soir, celui devant lequel on frissonne en riant, puis qu'on oublie une fois terminé, lorsque l'on est bien au chaud dans son lit. Pourtant, la richesse de la proposition de ce long métrage et l'exploration visuelle qu'il permet dépassent de loin le simple film d'épouvante ou la fétichisation du meurtre propre au giallo. Car derrière ses allures rétro et son synopsis linéaire, Angoisse est avant tout un film sur le regard. Le regard des yeux morts que récolte le psychopathe, John, dont le personnage lisse et vide coche toutes les cases du maniaque détraqué et permet au spectateur d'y projeter ses angoisses les plus primaires ; mais aussi le regard de ce même spectateur, dont la figure s'invite progressivement dans l'intrigue, jusqu'à devenir centrale. Le film interroge et vient bousculer les attentes de celui qui regarde, et, tout en les détournant avec brio, questionne les codes de la narration. Installant ainsi une spirale vertigineuse et hypnotisante -l'hypnose est d'ailleurs un des motifs centraux du film-, il offre de beaux moments de désorientation visuelle et sensorielle. Certes, Angoisse n'est pas le film le plus terrifiant de tout les temps : le malaise tangible suscité par la première partie s'estompe assez rapidement au profit du plaisir malicieux de la mise en abyme, que le réalisateur pousse à son paroxysme. Néanmoins, il a le mérite et l'audace de concrétiser le frisson le plus essentiel, le plus jouissif que peut offrir le film d'horreur : celui que nous éprouvons parfois lorsque, confortablement installé devant nos écrans qui se dressent tels une barrière protectrice entre nous et la fiction, nous avons soudain la dérangeante impression que le monstre du film existe... et qu'il se cache bel et bien sous notre lit.