Une enfance à Porto, sur les rives du Douro

Quel vertige de contempler l'amplitude du cinéma de Manoel de Oliveira, que j'avais à titre personnel découvert par son avant-dernier film de 2011, L'Étrange Affaire Angélica (réalisé à un peu plus de 100 ans, excusez du peu, quelques années avant sa mort à 106 ans en 2015), en revenant à la source de sa filmographie, pour son premier long métrage : Aniki Bóbó (1942). Expérience vraiment sidérante de parcourir 70 ans en deux films, en laissant un fantastique éthéré tout en légèreté pour accéder à ce récit d'apprentissage à Porto, à hauteur d'une bande de gamins. Le jour et la nuit en termes d'ambiances cinématographiques.


Le film tourne entièrement autour de la dynamique d'un petit groupe d'enfants, dans lequel on s'immisce grâce au code secret éponyme "Aniki-Bébé Aniki-Bóbó" (apparemment un équivalent portugais de Am stram gram) et plus particulièrement dans l'affrontement entre deux garçons, Carlitos et Eduardo, aux tempéraments opposés. Il y a avant tout une histoire de jalousie entre eux car une fille les intéresse tous les deux et ils cherchent à attirer son attention : l'un est maladroit là où l'autre est beaucoup plus entreprenant, ce qui ne tardera pas à alimenter des rivalités enfantines. Une évocation tout en douceur de l'enfance, en quittant rarement leur univers et leurs codes — les adultes sont presque absents du film, à l'exception de l'instituteur (inquiétant comme ils peuvent l'être dans les yeux des enfants) et du commerçant (principalement intéressant pour les bonbons et une poupée, à leurs yeux).


La mort jalonne leurs expériences, en marge des aventures quotidiennes au bord de l'eau, dans le port, dans les ruelles pavées de Porto ou près des chemins de fer. Des rêves aux couleurs expressionnistes, des sentiments amoureux, des histoires de trahison, une sensation de culpabilité qui gangrène tout un imaginaire... La palette des émotions de l'enfance dépeintes est d'une diversité émouvante, très nuancées dans leur description.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Aniki-Bobo-de-Manoel-de-Oliveira-1942

Morrinson
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films 1942, Réalisateurs de choix - Manoel de Oliveira et Cinéphilie obsessionnelle — 2025

Créée

il y a 1 jour

Critique lue 9 fois

1 j'aime

2 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 9 fois

1
2

D'autres avis sur Aniki Bóbó

Aniki Bóbó
constancepillerault
7

Critique de Aniki Bóbó par constancepillerault

Ce titre qui sonne bizarre est en fait un extrait d'une comptine, sorte de "am stram gram, pic et pic et colegram" ... -et la suite- en version locale. Les héros du film sont en effet des gamins...

le 20 avr. 2020

1 j'aime

Aniki Bóbó
Cinephile-doux
6

Poésie de Porto

Au temps de son premier long-métrage, Manoel de Oliveira était encore un jeunot, 34 ans seulement ! On a vu dans Aniki Bobo un film précurseur du néo-réalisme et il est vrai que cette chronique...

le 5 sept. 2019

1 j'aime

Aniki Bóbó
Morrinson
6

Une enfance à Porto, sur les rives du Douro

Quel vertige de contempler l'amplitude du cinéma de Manoel de Oliveira, que j'avais à titre personnel découvert par son avant-dernier film de 2011, L'Étrange Affaire Angélica (réalisé à un peu plus...

il y a 1 jour

1 j'aime

2

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

126 j'aime

11