Captain Obvious est parmi nous : le film est moins bon que le bouquin.

Arf, que c'est dommage. Pourtant, le bouquin d'Edward Bunker (qui joue un petit rôle d'ailleurs, celui de Buzzard, le vieux taulard chargé de l'entretien) semblait "facile" à adapter, en témoigne la fidélité de la pellicule de Buscemi aux détails, dialogues ou situations du texte de Bunker. On retrouve effectivement la relation filiale entre Ron et Earl, la plupart des scènes cruciales du roman mais malheureusement, Buscemi a choisi d'édulcorer le propos.

Willem Dafoe est parfait en Earl Copen. On retrouve l'oeil vif, le sourire fraternel mais aussi la violence tapie qu'on a eu le temps d'imaginer au fil des pages. Animal sociable, Dafoe parcourt San Quentin comme une ombre, arrogant envers l'ennemi mais chaleureux envers sa famille dysfonctionnelle de substitution. Le vieux sage guide le jeune Decker parmi les pièges de la prison...
En revanche, Edward Furlong (pourtant bon comédien et totalement capable d'assumer le rôle de Ron - en témoigne sa composition dans American History X) rate complètement son coup. Mal dirigé par Buscemi ? Ou tout simplement passé à coté de la substantifique moelle de son personnage ? Le fait est que le résultat est raté. Tout le livre est une démonstration de l'usine à fabriquer des animaux qu'est la prison, Ron Decker, jeune bourgeois au physique adolescent, était le symbole de ce que ces murs étaient capables de faire. Ici, la transformation de Ron est quasi invisible ou totalement ratée à l'instar de la discussion grotesque entre son père et lui après son 2nd passage devant le juge. Aucune différence de comportement ou presque malgré les crimes auxquels il a assisté ou participé, la sauvagerie animale qui le meut pourtant dans le roman est absente...

Est absente aussi un thème cher à feu Edward Bunker : les conflits raciaux. Témoin lui-même de leur montée en puissance à partir du milieu des années 60, il a mis beaucoup de lui dans les personnages d'Animal Factory. Ron se retrouve à frayer avec la Aryan Brotherhood, lui qui a toujours été révolté par le sort réservé aux Noirs. Il ne comprend pas cette haine aveugle et gratuite qui règnent entre détenus de couleurs différentes. Earl, quant à lui, a intégré cette problématique et bien qu'il soit philosophiquement d'accord avec son protégé, il sait qu'il faut tenir sa place, quitte à être injuste. La question est tout simplement évacuée par Buscemi, tout comme celle de la violence du traitement infligé aux taulards. Les anecdotes se multiplient dans le livre et les descriptions de violence ou de folie ne nous sont (logiquement) pas épargnées. Ici, la caméra est pudique, se détourne sous trop de violence ou ne filme pas.
Avec Buscemi, la prison ressemblerait presque à un camp de vacances. Ok, Earl Copen a le bras long et profite de ses passe-droits largement mais la solitude, la frustration de l'enfermement, la folie qui guette au mitard, la peur permanente d'un coup de poignard (Earl répète suffisamment souvent qu'ici n'importe qui peut mourir n'importe quand dans le bouquin) sont totalement absents du film.

Ne reste donc plus qu'une histoire d'amitié presque filiale entre une vieux taulard à qui on ne la fait plus et un jeune mec qui n'a rien à foutre là. C'est rarissime que j'en arrive à penser ça mais voilà un film qui n'aurait pas perdu au change à faire une heure de plus...
NicoBax
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le 10 mars 2012

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