Depuis sa sortie je voulais voir ce film, on m’avait prévenue, « ce film est insoutenable, très dur à regarder, prépare toi au pire. »
Je me suis préparée et je suis allée au cinéma.
Ce film suit l’histoire, dans la première partie, de Brahim, un jeune marocain de 30 ans vivant en Wallonie. Brahim est homosexuel, il a un copain depuis 5 ans. C’est l’anniversaire de sa mère aujourd’hui, on le suit dans cette maison remplie de sa famille et d’amis, l’atmosphère est étouffante, stressante.
Brahim se déplace de pièce en pièce ne trouvant pas d’air. Il est stressé et ça se voit, on est stressé avec lui. Son copain devait venir à cette fête en tant que « son ami », le temps passe et il ne vient toujours pas. Il ne comprend pas, nous non plus.
Ici vous pouvez spoiler !
On apprend que c’est le frère de Brahim qui a dissuadé son copain de venir. Ça serait trop honteux pour sa famille, ça ne serait pas respectueux. Il peut vivre son amour mais en cachette, loin du regard des autres.
Brahim s’en va, il prend sa veste et part de la fête. Il s’arrête tout de même pour écouter le discours de son père. L’amour. C’est ce qu’il entend, et il l’immortalise dans son téléphone.
Le cadre change, on se retrouve dans le centre ville remplis de bars et de gens qui s’amusent. Brahim rentre dans l’un d’eux en espérant trouver son bien aimé. Sans succès. A la sortie il aperçoit une jeune fille criant sur une voiture remplie d’hommes. Elle demande qu’on la lâche. Brahim s’approche pour apaiser les tentions, la fille s’en va, la voiture, elle, reste. Ils font directement des réflexions homophobes, Brahim les prévient qu’ils se trouvent dans un quartier gay, encore des réflexions. Il leur propose de leur montrer un endroit où il y a des filles à draguer, alors il monte dans la voiture.
L’enfer commence.
Je ne vais pas commenter les scènes suivantes, encore moins les décrire. Elles sont d’une atroce réalité sans nom. Le cadrage est déroutant, on ne quitte quasi jamais des yeux Brahim. On suit avec lui l’évolution et la réalisation de la situation dans laquelle il se trouve. Les dialogues sont brutaux mais si vrais. On s’y identifie directement car nous avons toutes et tous rencontré au moins une fois quelqu’un comme eux.
Notre attention est portée pendant quelques secondes sur l’un de ces agresseurs, le plus jeune. Brahim pense le connaître, le jeune ne le reconnaît pas.
La violence apparaît explicitement lorsque le réalisateur a décidé d’un changement de prise de vue. La caméra tenue à l’épaule laisse place au téléphone filmé par les acteurs eux même. Ce changement donne une dimension encore plus réelle, elle nous rapproche encore plus de l’agression, elle nous fait ressentir encore plus la douleur, elle nous immerge encore plus dans l’enfer de Brahim.
La déshumanisation la plus totale, voila à quoi nous assistons.
Ici vous pouvez spoiler !
La scène qui m’a le plus happée est celle du coffre. Initialement, un gros plan, sans son en plus de cela, ne devrait pas durer plus d’une minute. Pourtant, nous sommes restés au moins 5 min, scotchés au regard de Brahim essayant de trouver quelque chose dans son regard. Le stress de Brahim nous habite complètement durant cette scène, on la vit avec lui, on devient Brahim le temps d’une scène. C’est déroutant.
A la fin de cette partie remplie de torture, on comprend que Brahim est laissé pour mort, nu et seul dans cette plaine.
L’attention est maintenant portée sur l’un des agresseurs. On suit une infime partie de sa vie, on est perplexe car on est en train de regarder un tueur vivre. Il enfile un costume, il vit. Il part voir son père. C’est la fête. La mort est suivie d’une fête. On comprend que c’est un mariage, l’amour après la mort. Ce jeune est vide, on ne perçoit rien dans son regard, à vrai dire on ne saisit même pas son regard, on dirait qu’il fuit le contact avec nous. Au moment du discours de son père, ce jeune est épris d’une crise de panique. Il tremble, il ne respire plus, s’en est trop il sort de table et se réfugie dans la salle de bain.
On accompagne sa crise par un gros plan, ne laissant aucune place pour l’air, enfermé dans ses craintes et colères. Lorsqu’il se calme le cadre s’élargit alors on respire.
Ici vous pouvez spoiler !
La scène de fin est la meilleure à mon sens.
On suit le jeune par un travelling très bien exécuté, on le suit de face dans un premier temps. Il se dirige vers la musique venant de la salle de fête, il s’arrête, la caméra s’arrête avec lui. Un travelling en 360 commence, on parcours toute la salle, les invités sont flous, peu intéressants.
On arrive vers le centre de la salle. Là, au milieu de tous, son père et son mari. Un homme avec un homme. Son père avec un homme.
On revient vers le jeune, son regard semble plus candide, comme s’il avait réalisé que il est possible d’être humain et d’aimer les hommes lorsqu’on en est un.
Et c’est la fin.
Les crédits défilent encore sur l’écran et pas un bruit dans la salle, je n’osais pas me lever tellement j’étais déboussolée. C’était terrifiant et vrai. Vraiment vrai car ce film est tiré d’une histoire qui s’est déroulée en 2012 à Liège.
Cette information vous glace encore plus le sang.
Ce genre de film qui pourrait se confondre à un documentaire tellement la réalité est relatée avec une précision terrifiante.