Avec ‘Animals’, Nabil Ben Yadir signe un film déplaisant et pénible de par sa complaisance et sa façon de montrer la violence sans filtre et sans distance. Pourtant, ce film avait tout pour être bon : un sujet fort inscrit dans des thématiques d’actualité, une approche sociale. ‘Animals’ raconte l’histoire vraie d’Ihsane Jarfi, brutalisé puis assassiné à Liège en 2012 parce qu’il était homosexuel.
Le personnage est ici rebaptisé Brahim. C’est un jeune homme, de nationalité belge et marocaine (si je ne me trompe pas). Il prépare l’anniversaire de sa mère qui désespère de voir son fils toujours pas marié. Normal qu’il ne soit pas marié, il est homosexuel et n’ose pas l’annoncer à ses parents. Il vit pourtant avec un homme depuis cinq ans. Mais son frère ainé lui déconseille d’en parler. C’est un sujet sensible dans la famille. Il va tomber malheureusement sur quatre sales types qui vont le martyriser et le laisser mort et nu.
C’est à partir de là que tout me semble déraper. Brahim se retrouve donc avec quatre abrutis qui l’insulte, l’humilie, le déshabille et le brutalise à l’extrême. Pendant quinze voir vingt bonnes et longues minutes, ils le traiteront de pédé, de salle chienne. Mais on n’a pas envie de rester aussi longtemps avec ces quatres abrutis qui disent le mots ‘bite’ tous les quatre mots. La violence est filmée en très gros plans, avec des gros plans sur son visage et ses mains ensanglantés et sur ses bleus. Mais tout cela est montré crûment et non sans cruauté. Jean-Luc Godard disait « qu’un travelling était une affaire de morale ». Et pour le film dont on parle maintenant, c’est on-ne-peut-plis vrai. La question n’est pas ce que l’on montre, mais plutôt comment on le montre : sous quel angle, avec des plans serrés ou des plans éloignés, avec quelle luminosité et comment travaille-t-on le son ? Ici tout est balancé de manière brute, sans filtration. C’est assez insupportable et malaisant.
Ajoutons à cela un filmage que j’ai trouvé particulièrement atroce. Au début, tout est filmé caméra à l’épaule pour faire plus authentique, pour mieux suivre le personnage. Par intermittence, le metteur en scène film les scènes de violences via les portables des agresseurs. Ce qui fait que l’on voit une partie du film dans un format rectangulaire, à la verticale. Tout ça étant mis en place pour contribuer à faire un film choc, qui sauterait à la gorge du spectateur. J’ai été tellement mal à l’aise avec ce qu’on me montrait, que j’ai regardé ce film avec beaucoup de distance, en priant pour que cela s’arrête bientôt.
Dommage, car le film commençait vraiment bien. La caméra y suit Brahim dans la maison de ses parents, pour l’anniversaire de sa mère. La caméra portée à l’épaule réussit à dynamiser les scènes, et elle se glisse aisément dans les différentes pièces de la maison. Brahim attend son mec, qui n’arrive pas. Il s’inquiète. Où-est-il ? Soudain, son frère aîné lui explique. Il a demandé à son mec de partir, car la révélation de l’homosexualité de Brahim et de sa vie de couple est un sujet beaucoup trop sensible. Le réalisateur aborde très brièvement un sujet sensible : le regard de l’Islam sur l’homosexualité. Malheureusement, le cinéaste abandonnera rapidement cette piste.
Avant le générique de fin, Nabil Ben Yadir salue la mémoire d’Ihsane Jarfi. L’intention du film était belle, sincère. Mais l’approche trop frontale laisse au spectateur un goût en bouche très amer.