/!\ Spoilers possibles
On s’est comportés comme des animals. C’est ce qu’ont déclarés les agresseurs d’Ishane – Brahim dans le film – dont le meurtre homophobe en 2012 a inspiré l’histoire du film -et le titre-. C’est aussi la bascule que veut montrer le réalisateur : comment des individus peuvent se transformer avec l’aide de l’alcool, d’un effet de groupe et de la médiatisation des écrans en véritable furies, continuant de frapper un homme inconscient au sol. Le film tout entier se rattachant à cette scène de violence (dix très longues minutes, où le spectateur ne peut quitter l’écran des yeux, horrifié et touché dans sa chair), on pourrait trouver dommage -voir vain- le reste du dispositif que le réalisateur met en place, allant jusqu’à chercher une pseudo justification aux actes – au moins d’un des agresseurs -. Pourtant, le début -en quasi plan séquence- permet d’imaginer un tout autre type de rapport et une tout autre narration. On présente Brahim et ses difficultés avec sa famille qui ne sait pas son homosexualité, puis on fait la rencontre de ces quatre hommes qui scelleront le destin de Brahim. C’est dans une ambiance viriliste qu’il met au jour dans ces quartiers pauvres de Belgique que le réalisateur fait émerger Brahim, et c’est sous une homophobie latente qu’il le laissera aux mains de ses agresseurs (les comédiens ont en même tournés la scène d’agression avec des téléphones). Aussi, Animals réussit à traiter sans gros sabots et sans fermer les yeux une réalité sociale grâce à un dispositif et une narration percutante. Cependant, Animals est un film très violent (interdit aux moins de 16ans) qui pose la question de ce que peut faire le cinéma ou pas : pour décrire le réel, le naturalisme (et la transparence crue d’une agression dans ce cas) est-il le seul passage obligé ? Est-il possible de proposer aux spectateurs une telle vision ? Pour certains, montrer de telles violences est contre-productif, pour d’autres, cela permet de saisir l’horreur de ce crime homophobe et pourquoi pas alerter contre. Reste que le débat ne peut se trancher aussi facilement, et qu’on peut douter de l’effet du film sans cette scène de climax. Animals est donc un film de pulsion et de sensations, qui n’est pas forcément adapté à tous les regards et toutes les sensibilités. Mais c’est un film qui refuse de détourner le regard, comme une forme de vérité et de justice à ce qu’a pu vivre Ishane.