Le Désert du réel
En 2003, souvenez-vous, il était difficile de ne pas trouver son bonheur en salles : Le Seigneur des anneaux : le retour du Roi, Le Monde de Némo, La Cité de Dieu, la ressortie du Château dans le...
le 18 mars 2023
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Long-métrage d'animation de Peter Chung, Andrew R. Jones, Yoshiaki Kawajiri, Takeshi Koike, Mahiro Maeda, Koji Morimoto et Shinichirô Watanabe (2003)
En 2003, souvenez-vous, il était difficile de ne pas trouver son bonheur en salles : Le Seigneur des anneaux : le retour du Roi, Le Monde de Némo, La Cité de Dieu, la ressortie du Château dans le ciel... La liste est longue. Y en avait pour tout le monde, toute la famille, du cinéphile en couches au briscard blasé. Des daubes, on y a eu droit aussi mais on avait de quoi les oublier. Parmi tous ces coups de génie, deux artistes ont pourtant su se démarquer.
Deux films au cinéma, un jeu vidéo et même une BD. Impossible d'éviter Matrix en ce début de millénaire. Logique me direz-vous, le premier film comptant parmi ceux qui ont fermé le rideau sur le 20e siècle (combien d'entre nous l'ont vu et revu sur support VHS, avant l'avènement du DVD ?). Mais l'ampleur de la saga va plus loin qu'un coup marketing.
Matrix Reloaded, opus central de la trilogie, est aussi la base créative la plus féconde de la saga. Les questions laissées en suspens dans Reloaded, ses ellipses narratives, trouvent une raison d'être dans Animatrix. Vous vous demandiez ce qui a pu arriver à l'Osiris, le vaisseau qui a transmis un dernier message au sujet duquel Morpheus organise une réunion en début de métrage ? Vous voulez savoir d'où sort le Kid, ce gamin qui suit Néo comme son ombre à Zion ? Ou, plus simplement, vous voulez voir comment s'est déroulée cette fameuse guerre entre humains et machines "qui a assombri le ciel" et plongé l'humanité dans "le désert du réel" ? Tout est là, et sans didactisme, la forme de chaque court-métrage faisant de l'ombre à son voisin. Rassembler sous une même bannière autant de cinéastes, de styles différents, est déjà un beau pari. Les mettre sur des projets dont chacun forme un rouage de la même horloge, c'est risquer de mettre l'oeuvre entière péril, de mettre à mal sa logique esthétique et séamantique.
Non seulement la fluidité de l'ensemble ravit les sens par son aspect versatile, mais elle assure en plus à Animatrix un caractère intensément créatif car en perpétuel renouvellement. Mieux, il est impossible de réduire l'anthologie à un simple bonus de Reloaded. Les exemples cités plus haut relèvent de la narration pure. Mais certains courts-métrages tirent leur pitch de simples pistes philosophiques entendues au détour d'un dialogue. Ainsi va le génial Beyond, où une jeune-femme à la recherche de son chat perdu tombe sur une bicoque où des gosses s'amusent de ses lois physiques étranges. Dès que quelqu'un prétend avoir vu un monstre, un fantôme, c'est qu'un programme commence à faire une chose qu'il n'était pas censé faire, dit l'oracle à Néo lors de leur conversation. En voici l'illustration, manière de rappeler que dans la matrice même les croyances les plus folles peuvent être réduites à une ligne de code. L'image effrayante de parents remplacés par des agents sous les yeux d'un môme est d'ailleurs l'un des grands moments de Animatrix...
Pris séparément, les courts-métrages peuvent être perçus comme de purs exercices de style (certains, comme le Program de Kawajiri, en sont de brillants). Vus d'une traite, ils forment autant de portes dérobées sur l'univers-monde mis en place par les Wachowski. Si on les franchit, on y trouve l'onirisme d'une maison "hantée", le pragmatisme d'archivistes virtuels, l'acharnement d'un individu à dépasser ses limites physiques, le duel chevaleresque d'un entraînement à double fond, la quête d'un détective privé dans un noir & blanc anachronique... Sous contrôle en termes narratifs mais totalement libres en termes visuels, les segments de Animatrix forment un prodigieux complément transmédiatique à la trilogie. Et s'il est nécessaire d'avoir vu (avec attention) Matrix Reloaded pour apprécier pleinement le projet, nul besoin d'aimer ce second opus pour plonger dans Animatrix, monumentale oeuvre collective dont la diversité tonale continue de rassasier plus de dix ans après sa sortie.
Qui en 2003, hormis Kill Bill vol. 1, a marié autant de rythmes et de styles sans se brûler les ailes ?
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Créée
le 18 mars 2023
Modifiée
le 28 déc. 2014
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