Luc Besson est quelqu'un qui divise. Certains le trouvent beauf, sans finesse, tel le fast-food du cinéma français. D'autres le considèrent comme un réalisateur talentueux, avec ses hauts et ses bas, mais toujours avec l'ambition de proposer quelque chose de neuf, surtout pour le cinéma français. Alors que celui-ci n'est depuis longtemps que comédies merdiques et drames fumeux, Besson essaye tant bien que mal de rivaliser avec Hollywood, et proposer des vrais blockbusters made in France. Malgré les nombreux bousins que cela a pu engendrer, ça reste toujours plus intéressant que Les Tuches ou Alad'2.
J'avoue donc sans remord être fan du cinéma de Luc Besson. J'adore Léon et Le Grand Bleu, j'aime Subway et Nikita, j'apprécie Adèle Blanc-Sec et Lucy, et j'ai eu un véritable coup de coeur pour Valerian (malgré ses défauts). J'attendais donc avec impatience Anna, et c'est avec le sourire que j'ai quitté ma séance.
Ce qui ressort d'abord de ce film est la maturité du récit. Là où Nikita avait un coté punk, Anna reste majoritairement sérieux et adulte. Le ton est donné dès la première scène du film: froid et réaliste. C'est aussi dû au fait que le film est Rated R, permettant au film d'être plus violent et sanglant que le reste de la filmographie de Besson. Mais ce n'est pas l'action qui est au centre du récit. Il n'y a que deux grosses scènes d'action dans le film. C'est le coté "espionnage" qui est vraiment important. Toute l'histoire se concentre sur le personnage d'Anna, et sur les nombreuses révélations sur son passé, nous permettant petit à petit de reconstruire le puzzle qu'est sa vie. Le film va donc adopter une narration non linéaire, une première pour Luc Besson. D'abord assez perturbante, elle prend son sens au fur et à mesure que le récit se développe. C'est ainsi que l'on se rend compte de la qualité d'écriture du film. Le film est presque l'inverse de Valerian, où il privilégiait l'univers de son film, digressant souvent de l'histoire pour pouvoir en montrer toujours plus. Anna est plus sophistiqué, et chaque scène a une importance dans le récit. Tout est méticuleusement préparé, calculé comme une partie d'échecs.
Visuellement, le film est tout autant réussi. La caméra est fluide, toujours en mouvement, et la photographie offre souvent de très beaux plans. L'action est spectaculaire, faisant penser à John Wick ou Atomic Blonde. Le casting aussi est réussi. Cilian Murphy et Luke Evans font le café, Hellen Mirren est excellente et Sasha Luss prouve qu'elle sait vraiment jouer. Les rares moments humoristiques font mouche et permettent de lâcher prise un moment, car le rythme du film est toujours soutenu. Les seuls défauts sont la musique qui reste trop discrète et certaines révélations qui peuvent être assez prévisibles.
Si vous êtes fan du cinéma de Besson, vous ne serez pas dépaysés. Femme forte et sensible, personnages secondaires presque caricaturaux, quête de liberté... Les thèmes abordés ici sont familiers, mais exploités avec talent. Le film n'est pas qu'une copie de Nikita.
Anna est donc un film réussi, efficace et maitrisé, reflète tous les codes de son réalisateur, et est la preuve qu'il a encore quelque chose à dire.