Belle image et clichés
Cette adaptation "sérieuse" mais terriblement soft et banale du modeste classique qu'est "le Roi et Moi" ne peut que nous décevoir, malgré notre admiration pour un Chow Yun-Fat malheureusement...
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le 3 sept. 2018
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Quand les Américains entreprennent de faire rebondir un scénario à travers les décennies, on a généralement l’assurance que leur folie des grandeurs offre au moins aussi bien à chaque fois. Le Roi et Moi, puis Anna et le Roi, ç’a d’abord été un film puis une série télé où la star était masculine : Yul Brynner (oui, dans les deux versions).
La tendance s’inverse chez Tennant ou c’est Jodie Foster qui en impose : après tout, c’était le destin de cette professeure d’anglais de se croire l’égale du roi du Siam & il est normal qu’on la considérât parmi d’autres fortes personnalités comme Kate Winslet & Emma Thompson afin de donner vie à ce protagoniste somme toute assez déplacé : une simple femme qui fait de la politique ? Au Siam ? Dans les années 1860 ? Enfin voyons donc mais quoi ?
Le discours est censé tenir de la politique historique mais c’est à débattre. L’histoire avec un petit h n’a certes rien perdu de son appel au faste depuis Brynner & Tennant reproduit effectivement très bien la rencontre de forces internationales avec le soi-disant ”sexe faible”. Toutefois, l’Histoire avec un grand H a été suffisamment bafouée pour que la Thaïlande interdise le tournage chez elle ; l’équipe a dû installer son immense décor beaucoup plus loin, du coup la construction qu’on aura tout loisir d’admirer durant le visionnage est en fait un palais malais.
Remarquons que ce n’est pas que du luxe : les créatifs ont su voir ce qui faisait tout l’intérêt du scénario au sens large & en conservent le plus précieux, notamment cette histoire d’amour très digne, sans une once d’eau de rose, qu’on ne découvre qu’après longtemps, & qui n’est pas une simple romance impossible : elle est impossible même au cinéma.
On frise le rêve bollywoodien dont un soin extrême est pris ici : on sait qu’on nage en plein délire en imaginant un roi & une professeure d’anglais liés d’une quelconque manière, alors l’idée est à peine effleurée & l’on garde surtout à l’esprit que la dignité est la clé de voûte de l’incrédulité du spectateur, qu’elle ne doit se briser sous aucun prétexte. Un exploit difficile quand on a envie de constituer une histoire qui fasse vibrer, car le stoïcisme royal n’est pas très porteur dans ce sens-là & Yun-Fat Chow n’a pas la prestance de Brynner. Toutefois la comparaison est facile & cruelle de ma part : il a sa propre prestance & il sait la dispenser.
Très bilingue & démesuré, le film nous fait vivre des épisodes significatifs & l’on sent bien la sélection qui a fait le tri par derrière, sans que cela entache leur déroulement une fois le modeste étalage de clichés déployé en avant-garde.
Je l’ai déjà évoqué en sous-texte, l’autre constituante précieuse de Le Roi et moi est sa qualité de carrefour entre l’Histoire & le conte. 1860, dans ces repères qui brisent ensemble toutes les frontières, c’est trop frais & il est normal que les libertés artistiques prises ici froissent encore les mémoires. Pour le simple cinéphile (celui qui ne s’agacera pas qu’on mentionne un ”roi de France” étant donnée l’époque), c’est un film qui bénéficie de toute la hauteur d’un scénario très mûr & qui, au moins, ne gâche pas les précédentes tentatives de le bien faire voir.
Créée
le 2 févr. 2020
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