Vu dans le cadre du watching challenge 2019 (https://www.senscritique.com/liste/Watching_Challenge_2019_Liste_recapitulative/2293359 ) dans la catégorie Un Spin Off
Commençons en enfonçant les portes ouvertes : Conjuring était un excellent film d’horreur. Un vrai film d’ambiance, qui prenait son temps sans être chiant et réussissait à être terrifiant malgré une absence de mort à l’écran.
Annabelle apparait dans ce film là en introduction et parvient à être légitimement effrayante (malgré un design à la limite du ridicule).
Mais est ce que cela fonctionne sans James Wan ?
Regardez ma note et vous aurez votre réponse.
Niveau histoire on est dans les bas fond du film d’horreur de base. Un couple parfait file le parfait amour dans leur maison beaucoup trop grande et belle pour leur niveau de vie (elle ne semble pas avoir de travail et lui n’est qu’étudiant en médecine), vont tout les dimanches à l’église et font probablement le tri sélectif de leurs déchets. Là je dois dire qu’il y a presque un bon passage. On nous présente les voisins, on nous explique que leur fille s’est enfui avec un groupe hippie, les infos parlent de Charles Manson (ce qui permet aussi de situer le film chronologiquement) et la scène suivante : meurtre, sang, rituels sataniques, suicides et autres joyeuseté. Alors oui ça manque un chouïa de subtilité mais ce passage est pas mal. Ma seule question c’est pourquoi les tueurs sont allés dans la maison des voisins après avoir fini leurs saloperies. Sauf qu’à partir de là le film arrête d’essayer. Les scènes s’enchainent sans que l’on ne comprenne réellement les motivations des personnages…et encore moins celles notre démon/esprit/entité démoniaque (j’y reviendrai). Le pire c’est que même les clichés ne sont pas exploités.
Par exemple : Le prêtre survit ? C’était évident qu’il devait mourir. Pourquoi ça je saurais pas le dire puisque ça induirait que le scénario a un sens, mais il devait mourir.
Alors c’est difficile d’en dire plus. Pas par peur de spoiler mais parcequ’il y a vraiment pas grand chose. Littéralement quatre personnages (aller j’exagère, on peut monter à cinq si on compte le flic). Aucun rebondissement particulier, sauf si l’on considère comme tel la découverte que l’entité qui a agressé le personnage principal est maléfique et pourrait être une menace pour le personnage principal. Dis comme ça, ça a l’air con mais dans le film il faut aux personnages un bon moment pour s’en rendre compte. Pas mal de choses ne vont nulle part. Déjà ce flic. C’est qui ce gars ? Pourquoi avoir essayé de faire de lui un personnage important ? Il ne sert à rien, n’apporte rien, n’a pas de présence à l’écran. Ensuite ce duo d’enfants qui habitent dans l’immeuble. Là on tente de s’en servir pour créer une ambiance, mais ça crée plus une incohérence qu’autre chose.
{D’où ça leur vient leurs dessins flippants qui s’avèrent prophétiques ? Je veux dire le film insiste bien sur le fait que le problème vient de la poupée et pas de l’appartement. Donc c’est juste une coïncidence si les voisins de palier sont des médiums probablement échappés d’un autre film ?}
La seule tentative méritoire concernant le scénario c’est d’avoir essayer de donner l’impression que c’est l’héroïne qui devient progressivement folle suite à un événement traumatique et son accouchement.
Sauf. Que.
Premièrement ça marche beaucoup moins lorsqu’en temps que spectateur on est parfaitement au courant que la poupée est démoniaque. Outre l’absence de subtilité de réalisation la concernant (parce que oui au bout de la troisième fois où elle est filmée en gros plan avec une musique dramatique on a compris l’idée) la scène d’introduction (qui reprend telle quelle la scène d’introduction de Conjuring il me semble) vend complètement la mèche.
Deuxièmement c’est traité par-dessus la jambe puisque dès que le mari de l’héroïne commence à se poser des questions sérieuses sur la santé mentale de sa femme, le scénario abandonne cette piste.
Troisièmement ça donne l’impression que le démon essayer de troller madame plus qu’autre chose, mais on y reviendra.
Parlons donc de nos personnages. Comme je l’ai dit on les compte sur les doigts de la main. L’héroïne, son mari, le prêtre, la libraire, le flic. On peut rajouter le couple de voisins de la première maison, leur fille et son compagnon sataniste et les enfants flippants qui habitent dans l’immeuble. Je ne plaisante pas c’est tout. Et non je ne compte pas le bébé comme un personnage.
Comme vous avez du le comprendre, le couple de héros Mia et John ne sont pas passionnants. Alors je dis couple de héros mais en fait c’est plus elle l’héroïne, lui étant parfaitement absent pendant presque tout le film. Ils sont lisses, peu attachants et l’absence d’alchimie est palpable. Je veux dire ils auraient été colocataires, l’écriture et l’interprétation n’aurait pas variée. Et John est d’une inutilité dramatique. Le film aurait encore mieux marché si Mia avait été mère célibataire ou veuve, provoquant un fort sentiment d’isolement.
Le père Perez est le seul personnage disposant d’un minimum de charisme mais s’avère scénaristiquement très fragile. Alors il nous offre une des rares scènes un peu effrayante du film (
la voix dans sa radio
), mais en terme d’utilité, il ne vole pas bien haut.
Et puis comme je l’ai dit : il survit ? Mais c’était le personnage le plus évident à tuer ! Moi ça me va puisque c’est le seul personnage qui a un minimum de présence à l’écran, mais tout indiquait qu’il devait mourir. C’est une volonté délibéré d’éviter le cliché ou un raté dans le cliché ?
Evelyn, la libraire, sert principalement à donner les informations sur le surnaturel. Mais deux choses à ce sujet. Déjà elle croit Mia beaucoup trop spontanément. Même pas un air dubitatif, un regard soupçonneux ou une pointe de doute. Et surtout : depuis quand les possessions démoniaques sont une science aussi exacte ?
{Non non ce n’est pas un fantôme mais un démon, puisqu’il est lié à un objet et pas un lieu. Et ça veux donc dire qu’il veut une âme.}
Pour le reste son background et l’histoire avec sa fille lui donne un peu de profondeur, j’en profite pour préciser que c’est le seul personnage du film à avoir une histoire. Mais évidemment ce n’est qu’un ressort scénaristique pour préparer à la fin du film. Donc on ne peut même pas réellement parlé d’un personnage bien écrit.
Je ne m’attarderai même pas sur le flic, sauf pour demander (sans spoiler puisque c’est dans Conjuring ET dans l’introduction d’Annabelle) : Comment ça se fait que cette poupée se retrouve dans le commerce ? Si la police l’a prise comment s’est elle retrouvé en vente. Et si les protagonistes l’ont gardé pourquoi ne l’ont-ils pas brulée ?
Et d’ailleurs comment cela se fait que la poupée soit encore possédée. Le démon n’a-t-il pas eu exactement ce qu’il voulait ?
Parlons enfin de notre entité maléfique : Annabelle. Mais en fait non puisque le film s’acharne à nous faire comprendre que le problème n’est en fait pas la poupée mais le démon qui la possède. Alors oui la différence n’est pas violente. Mais pour iconiser Annabelle en figure d’horreur c’est vachement handicapant. Surtout lorsque les apparitions surnaturelles mettent plus en avant le fantôme de fillette et le démon cornu noir inintéressant à regarder.
Alors que veut-il ce démon ? Apparemment faire chier et si au passage il peut pousser quelqu’un au suicide il est preneur. C’est un peu le problème. J’ai l’impression (je dis bien l’impression) qu’il essaye de persécuter l’héroïne pour la pousser au suicide (et donc récupérer son âme) mais bon vu le degré de subtilité du film (je vous renvoie à la scène finale) ne joue pas en sa faveur. Au final il semble plus jouer des tours aux protagonistes que réellement chercher à leur nuire.
La scène qui illustre bien ça c’est la scène de l’ascenseur. L’idée est très bonne, la mise en place marche bien, bien qu’un peu trop frontale. Et puis… et puis rien… rien du tout. Cela ne mène à rien, la scène s’arrête juste comme ça, juste au moment où la tension commence à monter. Même pas un jumpscare nul (je ne dis pas que je n’aurai pas râlé, mais au moins cette scène aurait mené à quelque chose). Comment on peut mettre en place une scène pareille et ne strictement rien faire avec. On ne sait même pas comment elle est sortie de cet ascenseur.
Vous aurez donc compris que la réalisation ne sauve pas le film. Pas d’ambiance, pas de musique, pas d’imagerie horrifique recherchée (chose dont je suis immensément fan). Une mise en scène utilitaire, sans imagination ni effet. Même les jumpscares sont mous et inefficaces. Pensez-y même les jumpscare n’arrivent pas à arracher un sursaut. Il faut dire que la caméra qui se fige et la musique qui s’arrête brutalement juste avant n’aide pas.
En conclusion un spin-off fais probablement à la va-vite sans ambition artistique particulière et à mille lieues en dessous de Conjuring. Alors pourquoi la saga marche autant ?