Quelle merveilleuse idée d’ouvrir Cannes avec un ballet visuel aussi puissant. Objet fascinant, intriguant et déroutant, « Annette », tragédie musicale, a le mérite d’amener le cinéma dans des contrées peu explorées, entre le conte fantastique et l’épopée. Annette est étrange, radical, lyrique, plastique, à mi chemin entre le blockbuster et le film d’auteur, permettant à Carax de livrer un film audacieux, un opéra rock-fantastique tantôt exaltant tantôt agaçant qui souffre de son ambition à force de longueurs et de répétitions.
C’est là son seul défaut mais on l’oubli vite tant on est habité, hanté par les voix vulnérables et mélancoliques qui valsent dans nos têtes pendant près de 2h30. Mais où nous amène « Annette » et ces voix enchanteresses se demandera le spectateur, même celui habitué du cinéma de Carax. La réponse est simple : au cœur des fabuleuses abysses de l’imagination, si puissante, à laquelle le film constitue une ode. Dès le début, Carax nous sommes de nous taire, de nous laisser embarquer et c’est alors que Cotillard et Driver nous font progressivement basculer dans la fiction, ils deviennent Ann et Henry sur la guitares endiablées des Sparks, marquant le départ d’une course épique vers le grand cinéma où chaque tableau épate par sa richesse et l’inventivité de sa mise en scène.
Plasticien, Carax ? Assurément, poète ? Évidemment. Cinéaste : éperdument. Magicien aussi, peut-être, tant il réside en Annette un enchantement qui le rend impalpable, aussi indomptable qu’un mauvais rêve et qui transporte la matière filmique aux abords de l’insondable.