Esprit de corps
De Blandine Lenoir, l'on se souvenait de Aurore, un bel hymne à l'émancipation féminine. Annie colère est dans la même veine, mais avec une charge historique puissante, puisqu'il y est question de...
le 24 août 2022
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Non mais ne vous excusez pas, personne ne connait le MLAC
Ces propos, je les tiens de Blandine Lenoir à l’époque du fifib. Justement le fifib, c’était l’occasion de découvrir plein de films cette année, et parmi eux, il y a toujours un ou plusieurs films attendus sans pour autant que nous, spectateurs, soyons informé plus que ça de la-dite oeuvre. Ce que je veux dire par là, c’est qu’à part Laure Calamy, de très bons retours d’Angoulême et une énième thématique sur l’avortement, peu de choses pouvaient concrètement me tenter pour privilégier Annie Colère face à d’autres propositions du festival, si ce n’est la découverte. Après une demi-circonspection au vu des premières images (incarnée par dix départs sur une salle comble), c’est peu dire que je me suis laissé emporter dans le récit que transmet cette réalisatrice à la carrière pour l’instant honorable, mais qu’il faudra désormais suivre avec beaucoup d’attention.
Revenons sur l'un des points de mon introduction: la thématique du film qui est l’avortement. Evidemment, comment ne pas penser à l’extraordinaire et pourtant plus que snobé (par le public et les professionnels de la profession) l’Evènement d’Audrey Diwan ? Et malgré leurs contextes, points de vue et évidemment thème, la comparaison s’arrête vite. Je parlais tout à l’heure de circonspection face à un premier quart d’heure qui laisse planer l’ombre du naturalisme de comptoir, avec ses plans fixes et la crudité de l’ensemble dans de longues discussions. Et comme l’Evènement, Blandine Lenoir contourne ces codes mais pas de la même manière. Là où le Lion d’or 2021 dressait une quasi course contre la montre dans une ambiance anxiogène qui n’hésite pas à monter dans l’horreur des situations, etc (au pire lisez ma critique). Ici, ce cadre cru est bien moins clinique, et la mise en scène de Blandine Lenoir multiplie les moments de grâce, mais surtout de tendresse dans sa continuelle pudeur. Et puis là où Audrey Diwan dressait un constat, ici, la thématique de l’avortement est creusée de bout en bout, parfois à son paroxysme ; et, miracle, sans tomber dans la liste de course. Je dirai même que ce parfait mélange, ça donne le genre de film trop rare, capable de faire douter ceux qualifiant cette pratique de barbare, voir les faire changer d'avis. Tout ça nous change bien de Simone, qui, à mesure qu’il évolue dans mon esprit, ressemble au fur et à mesure à un TSPT de la guerre du Vitenam. Simone, qui, enchainait les démonstrations de force visuelles pour queutchi, avait un montage tellement anarchique que je doute que le moindre môme puisse retenir quoi que ce soit lorsqu’il sera diffusé pour sa leçon d’histoire, et qui sous-traite ses thématiques dans un besoin de faire chialer l’audimat. Au contraire, Blandine Lenoir se sert de son faible budget pour resserrer son dispositif, se recentrer sur l’essentiel, mais le développer comme peu y arrive. Certains y verront un simple cours didactique, avec des séquences d’avortement proche du documentaire, mais c’est oublier, qu’au-delà de son discours évident et bien moins vieillot que chez Dahan, on est face à quelqu’un qui réfléchit tout le reste.
J’ai omis un détail lors de ma présentation : le genre. Actuellement, ce dernier est classé comme comédie dramatique, mais avec un sujet pareil, il y avait de quoi avoir peur. Pourtant, malgré son scénario éminemment dramatique, dans le sens de la fresque, avec ses hauts et ses bas, il y a une vraie dimension comique très loin d’un de Chauveron, mais qui tend comme tout le reste, à faire le constat d’une époque pas si éloignée de la nôtre. En effet, je parlais de tendresse tout à l’heure, et c’est une des raisons pour lesquelles le film dépasse son stade de tract et mérite amplement son genre, bien démarqué de potentiels concurrents. Je parlais des scènes d’avortement, plus ou moins en temps réel, sans douleur morale ou physique, mais ce n’est pas que ça Annie Colère. Certes, cela rejoint le côté didactique, mais il faut mentionner ce qu'il y a autour de ces avortements, la préparation, l’occasion de dédramatiser les aiguilles à tricoter ce qui a de quoi surprendre le spectateur. Mais aussi, c’est ce moment, où, quand Annie commence petit à petit à prendre son indépendance, que l’on voit ce mari hébété devant la cuisine, se demandant comment faire. C’est ce médecin arrogant, à qui on montre la nécessité d’un dialogue doux et empathique, loin de la froide médecine. Mais loin de perdre en crédibilité sur les évènements qu’elle dépeint, c’est toujours, dans ces moments-là, à la fois un moyen de montrer ce qu’était la France de l’époque (voir d’aujourd’hui) et de participer au développement des personnages. Rien de superflus, vous en conviendrez. J’irai même jusqu’à dire, que, malgré son minimalisme, bien loin de ce que recherchent les jeunes puceaux de 15 ans, c’est ici, un film à transmettre à toute la famille. Non seulement car, comme dit plus haut, on replace le contexte, on explique et on ne prend jamais le spectateur à rebours, mais en plus, car le sujet traité, ô combien important, est un moyen de parler à cette jeunesse. Cette jeunesse qui pourrait voir, dans le combat du MLAC, un moyen pour à son tour s’émanciper, voir se constituer ; ou encore, une manière d’y assouvir une passion, une envie de transmettre, de se créer une vocation ;… Vous conviendrez comme moi, c’est mieux qu’un tract de 2h ou un bête film féministe là pour prêcher la sainte parole, Annie Colère, au-delà de son propos puissant délivre cette puissance sur tous ses arcs, pas sans grosses ficelles, mais afin de toucher un grand public en remettent efficace et sans lourdeur les points sur les i.
Est-ce que vous vous souvenez qu’Emma Watson est une des grandes figures du féminisme ? Ok, mis à part cette digression malheureuse, (dont je suis très fier ^^), je voulais revenir sur ce qui est selon moi le point culminant d’Annie Colère : son casting. Première banalité, Laure Calamy est extraordinaire, mais elle l’a rarement été autant. Loin du rôle misérable, de femme subissant, comme dit plus haut, elle apparait fragile mais incroyablement aimante, curieuse et surtout humaine. Oui son mari lui a fait un enfant, mais est-ce une raison pour tomber dans l’anti-masculin ? Non, et en un coup de téléphone, ce préjugé est plié. Son évolution est d’ailleurs réellement probante, de petites taches de comptabilité, elle s’immisce de plus en plus dans le groupe et prend en force. Et cette force elle n’est ni plus ni moins qu’octroyée par le groupe. Zita Hanrot, India Hair, Rosemary Standley, et j’en passe, si ces trois là sont les plus filmées, jamais, à aucun moment, elles sont placées au-dessus de toutes les autres combattantes ou même combattants. Si la place principale est clairement à la femme, ça n’est pas la toute puissance qui va changer le système ou le petit papillon fragile qui cri sans qu’on le remarque. Non, surtout car on connait l’issue du combat, enfin pas vraiment. Ce groupe, c’est une manière de montrer ce qu’on a perdu avec la loi veil. Je n’en dirai pas plus mais réaliser ce film en 2022, ça n’est pas juste pour emmerder les Etats Unis, c’est aussi pour questionner notre propre système et acquis, nos oublis aussi. Tout cela est merveilleusement incarné par cette troupe qui, sans jamais avoir besoin d’une scène de grande flamboyance, arrivent cependant à poser leur charisme, charme et valeurs. Je dirai même que ce, voir ces moments ça ne sera que l’affaire du spectateur et ce dont il sera avant tout touché. Je dirai même qu’à part la question du point de vue, rentrer dans l’intimité de ce groupe, sans pour autant jouer au voyeuriste, c’est faire du groupe un personnage indissociable et fort, qui a, à son échelle, changé quelque chose dans la vie des autres.
Oui il y a des défauts, le rythme, certains passages un peu dispensables ou passages obligé, mais Annie Colère est le genre de film qui nous les fait oublier à une vitesse folle. Choisir de faire passer la tendresse avant la dureté du propos, c’était casse-gueule mais tenu. Tenu car tout ce qu’il y a à côté fonctionne et a été pensé, millimétré. Arrêtez donc de donner les 2 millions d’entrées à Simone, le vrai film populaire, important, nécessaire ; celui aux meilleures performances, celui qui se délivre avec le plus de justesse, celui qui touche le plus à la grâce, et j’en passe les superlatifs, c’est Annie Colère.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Des gens sont partis... Ps: avant la fin Edit: en claquant la porte + Anecdotes rigolotes, 2022 une année dans un monde sans demi- mesure AKA (re)vues en 2022, Les meilleurs films de 2022, Les meilleurs films français de 2022 et Fifib 2022
Créée
le 24 mars 2023
Modifiée
le 23 mars 2023
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