En 1977, Woody Allen, jusque là considéré comme un amuseur un peu loufoque, franchissait avec "Annie Hall" un nouveau cap, et atteignait, sans pour autant nous faire moins rire qu'auparavant ("Bananas", "Guerre et Amour"...), une émotion et une vérité nouvelles : "Annie Hall" marquait le véritable début de la carrière "d'auteur" (au sens "français" du terme) d'Allen, et aussi d'une longue et profonde histoire d'amour entre lui et le public... parisien. Il y aurait, un peu plus tard, d'autres tentatives - souvent moins réussies d'ailleurs - de changer de registre (Bergmanien avec "Interiors", etc.), mais "Annie Hall" resterait une des pierres de touche de la filmo de ce cinéaste stakhanoviste. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est l'impact que le film continue d'avoir sur nous : est-ce le charme de la craquante Diane Keaton (Mon dieu, quels vêtements !), la virulence des dialogues et des vannes aussi subtiles qu'explosives, l'honnêteté totale de la démarche amoureuse du couple qui immortalisait ici - sans voyeurisme - son histoire, comme une histoire singulière (les personnages névrosés sont évidemment "typiques") mais également totalement universelle ? Un peu de tout cela , sans doute, avec en plus, une sorte de magic touch (qu'on retrouvera d'ailleurs dans la plupart des - nombreux - chefs d'oeuvre à venir de Woody) du réalisateur qui sait être léger au plus profond des scènes dramatiques, et complexe même lorsqu'il nous décrit des moments fantaisistes. Oui, "Annie Hall" est quelque part encore plus fort, plus saisissant aujourd'hui, sans doute parce que nulle véritable relève n'est apparue dans ce genre pourtant très moderne de l'introspection amoureuse. [Critique écrite en 2016]