La Palme d'or 2024 plébiscité par les américains à Cannes et peu pressentie par le public francophone a su générer son lot d'incertitudes. Comme chaque année, l'éternel débat reprend alors que les films de la compétition sortent peu à peu dans les salles.
A mon sens, le nouveau film de Sean Baker mérite certainement son statut et il présente d'ailleurs un grand nombre de points communs avec les lauréats des éditions précédentes.
Satire des ultras riches comme dans le dernier Ostlund, immersion dans l'intimité sexuelle des personnages à la manière de Julia Ducourneau dans Titane et mise en scène aux petits oignons comme chez Justine Triet.
L'amour ouf c'est bien dans Anora ou en l'espace d'une semaine, cette jeune travailleuse du sexe va faire la rencontre du fils d'un oligarque russe dans un club de strip new yorkais. Le comte de fée est total pendant près d'une heure pour la jeune Ani qui goutte à l'opulence aux bras de son prince presque charmant, avant que tout s'effondre.
Si le film de Gilles Lellouche n'a pas réussi à me convaincre par sa désuétude et son manque de réalisme, Anora est profondément drôle et éclatant de naturalisme.
Une fois n'est pas coutume, Sean Baker présente ici un casting peu identifié et pourtant
la performance des acteurs contribue largement au succès du film. Mickey Madison crève l'écran, Mark Eydelshteyn excelle dans son rôle d'enfant pourri gâté chez qui on ne décèlerait pas même une once de responsabilité, et que dire des personnages secondaires tous si bien incarnés et terriblement attachants (mention spéciale pour Igor).
J'ai été séduit par la rencontre de ces deux âmes perdues. En dehors du club Ani, est invisible et le réalisateur ne nous donne que très peu d'informations sur ce personnage: elle habite avec sa soeur et sa mère vit en Floride: sommaire. De son côté Vanya est tout aussi marginal, passant la majeure partie de son temps dans sa prison dorée à se droguer, boire et jouer aux jeux vidéos. Nos deux protagonistes tentent d'échapper à leurs racines par tous les moyens. Anora masque ses origines russes en se faisant appeler Ani et préfère ne pas parler la langue de ses ancêtres. Vanya a choisi de fuir son pays et ses parents pour se soustraire au poids de l'héritage familial. Ensemble, ils acquièrent une nouvelle identité et alors l'impossible est à portée de main ou de bague.
La deuxième partie est tout aussi rocambolesque et garde le spectateur bien accroché à son siège. On ne s'ennuie pas et on s'amuse véritablement de cette course poursuite dont on connait l'issue inévitable.
Seul petit bémol du film, un scénario presque trop prévisible où nos héros finissent rapidement par se résigner et accepter leur sort sachant pertinemment qu'ils n'échapperont pas à la fatalité et à leur condition.
8,5/10