Haaaaaa la hype. Qu'il est difficile pour certains de ne pas la suivre et de faire usage de son libre arbitre. Vous savez quoi ? J'étais comme vous avant ; au début de ma vingtaine. Mais aujourd'hui j'ai changé, mon sens analytique cinéphile s'est affiné à l'extrême au fil de mes visionnages et je peux résolument affirmer que l'effet de masse et l'emballement médiatique n'ont plus la moindre influence sur mon auguste personne et, ce faisant, sur ma notation.
Alors quels éléments font de la dernière Palme d'Or une pure esbrouffe cinématographique ? Afin de le déterminer, divisons le film en deux.
Que contient la première partie du film, celle avant l'arrivée des sbires russkofs ? Tout d'abord, une bonne introduction du personnage bigarré d'Anora et de son univers effeuillé. Jusque là tout va bien, le spectateur ressent le bouillonnement et l'effervescence des lieux, une saine émanation pop se dégage des images. Les choses se gâtent dès l'arrivée de l'enfant gâté soviétique. S'ensuivent gaudriole hédoniste sur gaudriole hédoniste et cabriole sexuelle sur cabriole sexuelle. Non seulement le caractère répétitif des événements provoque lassitude et souffle d'agacement, mais en sus il phagocyte le développement des personnages et de la narration. L'intrigue fait du surplace et la profondeur du propos n'a rien à envier à Very Bad Trip ou Pretty Woman. Les blagues pénibles et éculées du type "éjaculateur précoce" renforcent ce sentiment. "Haha, il dure 3 minutes". C'est bon, on a compris Sean, on l'a déjà entendue dans environ 754 autres Sex Comedy.
La deuxième partie ne va rien arranger car le film s'embourbe de plus en plus sur le terrain de la Screwball Comedy hystérico-frénétique. Si au moins c'était drôle comme un Billy Wilder ou un Woody Allen, ok. Mais non, là selon mes critères, l'humour est lourd et écrase la dimension dramatique. Pour la défense de Sean Baker, il faut avouer que c'est dur de réaliser une bonne dramédie. Le dosage entre drame et humour doit être parfait au risque de créer une instabilité de tonalité, une dissonance narrative. Paul Thomas Anderson est doué pour ça, Sean Baker beaucoup moins.
"Anora" semble aussi vouloir émuler le cinéma indé des frères Safdie avec un enchainement de péripéties et de confrontations sous tension. Problème, il n'y a pas de tension. Et contrairement à la croyance populaire il ne suffit pas de vociférer pour en générer.
Ah oui aussi, la fin... comment dire... durant 2h19 t'as droit à un mélange de feel good movie, de comédie romantique libidineuse et de screwball comedy tonitruante et puis on te balance une dernière séquence hyper mélodramatique ? Wow, c'est joli mais ça marche pas du tout.
Certains parleront de revival néo-réaliste... Mouais. "Tangerine" du même réalisateur véhicule 100 fois plus d'authenticité et d'humanité avec un budget 100 fois inférieur. Mais personne n'en pipera mot vu que les gens sont juste enclins à suivre le troupeau de l'engouement populaire. On se revoit pour The Substance, les suiveurs ? Allez sur ce, je vais me remater les Nuits de Cabiria, le modèle sur lequel cette faussement sulfureuse et globalement formaté Anora semble lorgner.
Ma note généreuse n'est due qu'à la prestation de Mikey Madison. Facilement la meilleure prestation de l'année avec celle de Sebastian Stan en Donald Trump.