Anora
7.2
Anora

Film de Sean Baker (2024)

Anora, dite Ani, une stripteaseuse qui travaille sur Brooklyn, va être accostée par le fils d'un oligarque russe qui lui promet des relations sexuelles fortement tarifées. Au départ, leur relation purement factice va être plus sincère quand ils vont partir se marier sur un coup de tête à Las Vegas alors qu'ils ne se connaissent que depuis quelques jours. Cependant, la famille du jeune homme ne l'entend pas de cette oreille et arrive en avion pour tenter d'annuler cet union.


Je connaissais déjà le cinéma de Sean Baker par Tangerine et The Florida project, deux belles réussites, et j'espère que le triomphe critique de Anora, Palme d'Or à la clé, va lui permettre enfin d'exploser auprès du grand public. Sur une histoire de près de 2h20, découpée comme une tragédie en trois actes, il raconte l'histoire au fond assez classique d'une jeune femme qui est sortie de sa condition pour devenir Cendrillon, même si ça n'est que pour quelques instants, avant qu'on ne lui retire son soulier de verre. Mais il y a une telle liberté dans la mise en scène, dans le jeu des acteurs que c'en est jubilatoire. Sans trop en dire, le deuxième acte, qui est plus dans le versante tragi-comique, est une merveille de construction, avec des dialogues qui se chevauchent comme dans un film de Robert Altman, mais on ne perd jamais le fil. C'est aussi et surtout du à Mickey Madison, Anora, jeune femme qui se révèle hargneuse face à ses agresseurs en quelque sorte, en particulier les deux hommes de mains (Vache Tovmasyan, sorte de Javier Bardem russe, et Youri Borissov, au regard très touchant, presque peiné de ce qu'il fait). Quant au jeune homme russe joué par Mark Eydelshteyn, il est clairement montré comme un crétin immature, qui fuit la moindre contrariété, passant son temps soit à jouer à la console ou à baiser (non pas faire l'amour) celle qui était au départ une relation tarifée mais qu'il ne prend pas vraiment la peine de connaitre. Car Anora restera jusqu'au bout une énigme, même si elle a de l'énergie à revendre, et alors que la dernière partie aurait pu être dramatique, Sean Baker montre une forte émotion surgir du dernier plan, ou en quelque sorte, Dorothy quitte le royaume d'Oz sous la neige.


Le film aurait certainement gagné à être plus court, la recherche dans New-York est interminable, mais il y a un côté tragi-comique qui ressort de tout cela que Anora est non seulement très bon, mais également touchant sur les fêlures d'un cristal.

Boubakar
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