L'incapacité narrative de Sean Baker

Un film intéressant mais qui peut être compliqué à décortiquer, donc je vais procéder dans l'ordre et énoncer d'abord tout ce qui me plaît, avant de lentement dériver sur mes réserves.

D'abord le film a un rythme assez implacable, (presque) toutes les scènes font avancer l'intrigue, et en ce sens il serait injuste de critiquer ses 138 minutes, qui se justifient parfaitement.

Ensuite, les acteurs sont très bons, les personnages insupportables sont bien insupportables, et les personnages naïfs sont bien naïfs (mais on y reviendra plus tard). On a des vrais personnages caractériels, bien que certains ne semblent remplir qu'une simple fonction (par exemple les collègues d'Anora).

La réalisation est avant tout fonctionnelle, et elle a même tendance à manquer d'inspiration. On pourra même relever quelques approximations, comme des jump cuts sur la première scène de dialogue entre Anora et son amie, qui relie un petit peu artificiellement les différents sujets de conversation qu'elles couvrent. Un des rares plans marquants est le cut qui relie Anora qui crie et Anora bâillonné, mais qui est en plus d'être une rupture de tension vue et revue, était divulguée par la bande-annonce.

On peut aussi relever la mise en place d'une logique purement émotionnelle dans la mise en scène des dernières vingt minutes, qui sont elles très réussies.

Maintenant.

Bien que l'intrigue se déroule de manière assez fluide, on a du mal à rester dedans quand on voit exactement où ça va.

À aucun moment on peut croire à cet liaison idyllique, entre un Ivan jeune et puéril, qu'il confond amour et attirance, et une Anora mine de rien très naïve.

Non seulement l'histoire est prévisible, mais elle est même pas cathartique et tragique, c'est juste logique que ça se passe comme ça. On a même du mal à avoir de la peine pour elle, parce qu'aussi exécrable soit Ivan, et triste le fait qu'elle lui ai fait confiance, bah elle est quand même super naïve. Et du coup on s'en fout de ces personnages, fallait appeller le film IGOR, c'est le seul personnage un peu sensé dans l'histoire, et le film devient vraiment bon que quand il est impliqué.

En bref, c'est juste dommage que Anora soit aussi plate et naïve, et qu'il fasse attendre la toute dernière scène pour voir sa psychologie prendre du relief (sachant qu'elle était proprement odieuse avec Igor la veille).

Défayant mais pas totalement désagréable.