Premier long de Raúl de la Fuente et du polonais Damian Nenow. pour ce film d'animation alternant le documentaire à la fiction romancée qui retrace un pan d'histoire dramatique de l'Afrique comme souvent. A l'instar de Valse avec Bachir, il aura le mérite de nous rappeler à notre mémoire, à ce que l'on oublie si vite et aujourd'hui à ce qui se rapproche immanquablement dans la lutte à venir pour les ressources.
Une retranscription du conflit qui explosa en Angola, à la veille de l'indépendance en 1975 et que le reporter Ryszard Kapuscinski célèbre pour ses reportages de guerres, avait dénoncé par son ouvrage-mémoire : D'une Guerre à l'autre. Les grandes puissances américaine, russe, cubaine et africaine du Sud y ont participé, chacune, soutenant une des trois factions de cette guerre fratricide pour une portée internationale. Ces interventions ont laissé place à la guerre civile jusqu'en 2002 et les rêves se sont envolés.
On prend plaisir tout en étant gagné par la tension que procure ce voyage survolté le long des routes aux paysages grandioses aux villes assiégées, aux enfants soldats, mais aussi totalement charmés par ses moments hors du temps, où l'empathie nous gagne pour tous ces personnages déjà perdus. La guerrière du MPLA, Carlota et son optimisme, le traître portugais Farrusco, qui tiendra la ligne de front sans aucun soutien, tenant ses hommes par de la gymnastique matinale, que plus rien ne semble pouvoir sauver, le manque de courage de ceux qui préfèrent rentrer en ville attendant une hypothétique victoire et le journaliste quant à lui désorienté, ravalera sa déception et la perte de ses idéaux par son retour en Pologne.
On imagine Ryszard , pourtant témoin impuissant, aisément courageux voire tête brûlée, quand il décide de partir couvrir l'actualité et surtout quand le personnage s'engage sur les routes de tous les dangers, en compagnie d'un collègue Arturo, de Carlota ou d'un chauffeur aux dérapages contrôlés, et à l'insouciance libératrice, où les chemins empruntés seront bloqués par des corps assassinés, où l'on évite de s'arrêter porter secours à une femme et à son enfant. Mais on l'imagine aussi investi dans la lutte pour la liberté, s'engageant au côté des combattants, s'activant au péril de sa vie et au détriment de son travail journalistique.
De cette ambiance délétère, et malgré un léger manque de fluidité dans les mouvements, le traitement se fait jubilatoire, dédié à l'action et à un montage rythmé par un graphisme des plus créatifs, coloré et surréaliste, exprimant le chaos à chaque image, les rêves et les cauchemars rattrapant la réalité mortifère et se fondant les uns aux autres sans plus de frontière. Les auteurs inspirés nous propose une bande son jouissive et tout autant survoltée et jouent de plusieurs arcs narratifs. Les images d'archives aux victimes inconnues ou les interviews de ceux qui ont survécu, revenant sur les faits et sur les lieux, nombre d'années plus tard, viendront s'intercaler dans l'animation, alternant les images réelles d'un personnage avec son double dessiné, pour un réalisme qui renforce la portée émotionnelle.
Et à défaut d'un point de vue géopolitique plus poussé, c'est bien en filigrane la question de l'information et de la pertinence de ce qui doit être révélé au monde, au risque de plus graves dommages encore, pour un bel hommage à ce métier à risque.
A ne pas bouder.