Wim Wenders et Anselm Kiefer ont au moins trois points communs : ils sont tous deux allemands, sont nés la même année, en 1945 et sont talentueux, chacun dans son domaine. Le premier voulait être plasticien, il est devenu cinéaste, le second voulait être cinéaste, il est devenu plasticien. Tous deux sont mondialement connus. Ils se sont croisés puis vraiment rencontrés et ont échangé à partir de 1991. Dans une interview Wenders explique qu'il ne voulait pas interroger Kiefer sur son travail mais regarder ce qu'il faisait. Et de ce point de vue c'est parfaitement réussi. C'est l'oeuvre qui est montrée et magnifiée dans ce documentaire de 90 minutes. Le plasticien tout de noir vêtu, le plus souvent cigare aux lèvres, travaille, réfléchit, se documente mais parle peu ou pas. Mais quelle présence ! Paul Celan le poète, Heidegger le philosophe, Joseph Beuys dont Kiefer fut l'élève, inspirateurs du plasticien sont invités dans ce parcours. Le documentaire commence par une scène tournée en extérieur dans une campagne verdoyante, la caméra tourne autour d'une sculpture blanche qui pourrait être une robe de mariée, on se croirait dans un décor d'opéra. Une sensation amplifiée par le fond musical et surtout la 3D. Et l'on entre dans les immenses hangars où des matières végétales ou métalliques sont parfaitement rangées. Les immenses toiles montées sur roulettes se déplacent au gré du plasticien. Lui aussi roule, à vélo dans ces ateliers gigantesques situés près de Paris, d'Avignon ou en Allemagne. On retrouve dans leur biotope originel des toiles vues dans les galeries Thaddaeus Ropac, au Grand Palais éphémère .... L'œuvre d'Anselm Kiefer n'est pas d'un abord facile. Elle repose sur les traumatismes de l'histoire allemande qu'il veut assimiler pour s'en débarrasser comme par catharsis. Elle donne à voir et à penser. Et un spectateur qui ne la connaîtrait pas aura certainement un peu de mal à rentrer dans ce documentaire. Wenders, avec délicatesse, tisse une histoire à trois personnages : un Anselm enfant curieux et attiré par l'art, un jeune peintre audacieux et provocateur (joué par son fils) et celui d'aujourd'hui qui reste assez distant dans le documentaire. La scène finale est plutôt optimiste : contemplation de la nature un enfant sur les épaules.
Wenders et Kiefer : une rencontre qui fonctionne, le talent de l'un servant parfaitement l'œuvre de l'autre.