Plus je vois les films du Marvel Cinematic Universe, plus je me dis que la boîte à super-héros sait parfaitement ce qu'elle fait mais le sait peut-être trop bien. Ou l'inverse. C'est là toute l'ambivalence car ce que nous propose Marvel a autant de qualités que de défauts et il appartient à notre ressenti personnel d'opter pour la lumière ou l'obscurité. C'est d'autant plus étrange car c'est un film aussi innocent qu'Ant-Man qui m'a fait comprendre comment ça marche.
Marre de Marvel ?
J'étais aussi circonspect que la majorité devant la sortie de ce film. Pourtant, il nous présentait un nouveau super-héros et pas n'importe lequel puisqu'il était un des membres fondateurs des Avengers dans les comics. Donc cela avait du sens de nous le présenter et ça nous promettait quelque chose de (relativement) nouveau. Puis en bon amateur de la série Friends, ça me faisait plaisir de voir Paul Rudd en tête d'affiche. Mais je n'étais pas plus motivé que ça, en grande partie parce qu'il est devenu plus difficile de susciter notre intérêt et enthousiasme après avoir vu tant de films de super-héros. De plus, à la suite d'Avengers 2, je commençais à ressentir un sentiment de lassitude. Non pas que la qualité n'était pas présente (au contraire), mais je sentais que Marvel faisait quelque peu du surplace et je ne les voyais pas aller plus loin. Je n'avais plus le facteur "Wouah !" comme pour le premier Avengers par exemple. Seuls les Gardiens de la Galaxie m'avaient pris au dépourvu avec leur décontraction et leur coolitude totale.
Néanmoins, j'ai entendu de bonnes critiques ici et là, évoquant un film qui ne révolutionnait rien mais qui était de suffisamment bonne facture pour mériter le coup d’œil. D'autres évoquaient un certain gâchis, en grande partie parce que le réalisateur reconnu Edgar Wright était attaché au projet avant de quitter le navire. En effet, on retrouve peu de réalisateurs avec une patte définie dans le MCU actuellement, aboutissant à des films sans réelle personnalité, tous fondus dans le même moule Marvel. Et si je le regrette également (sur le principe même mais je ne peux juger par rapport au travail de Wright, n'ayant vu que son fort sympathique Scott Pillgrim) et si cela empêche justement Ant-Man d'être un excellent film, Marvel en a suffisamment dans le ciboulot pour nous offrir un bon film. Et c'est là qu'ils tapent juste et qu'ils parviennent à attirer encore les grandes foules, moi compris qui me suis surpris à apprécier Civil War plus que ce que j'escomptais en dépit de ses limites évidentes.
Et des limites, Ant-Man en a et elles sont clairement visibles. Vous avez le choix entre le postulat de base ultra classique (le gars pas très réglo mais bon qui doit prouver sa valeur, c'était pas déjà daté dans les années 90 ?), les intrigues secondaires clichées (et une romance inutile de plus, une !) le méchant caricatural (sérieux les gars, si Loki est le meilleur vilain du MCU, c'est que c'est grave ! ) et une mise en images qui ne sublime rien, à deux trois plans prêts. En fait, pour faire simple, s'il n'y avait pas tout ce budget, le contexte de super-héros, tout le traitement autour et les performances des acteurs, ce serait un téléfilm du lundi après-midi sur vos chaînes principales.
Un travail de fourmi
Et pourtant, Ant-Man réussit. Certes pas aussi bien qu'il aurait pu à cause de ce que je viens d'énoncer. Mais derrière ce squelette paresseux et simpliste, Marvel continue de faire ce qu'il a (presque) toujours fait depuis que le MCU est lancé. C'est à dire tirer le meilleur parti des super-pouvoirs du personnage en prenant le matériau de base au sérieux pour ne pas l'insulter et en insufflant assez d'argent pour que ça ait de la gueule quoiqu'il arrive, mais jamais trop sérieusement pour savoir en rire et s'amuser avec, tout en choisissant les bonnes personnes pour incarner le héros et ses comparses. Avec le cameo de Stan Lee comme cerise sur le gâteau : si vous l'oubliez ça change pas le goût du produit mais c'est le petit plus que vous aimez retrouver à chaque fois. Faites-le vivre jusqu'à la fin de votre programme s'il vous plait.
En ce sens Ant-Man n'est pas beaucoup plus différent du premier Iron Man, Captain America ou Thor si on se penche bien. Les trois ont un méchant oubliable, ils ne sont pas hyper-spectaculaires et possèdent des éléments extrêmement codifiés mais ils partagent peu à prou les mêmes qualités que j'ai évoquées, à deux trois différences près selon le long-métrage. Ils sortent tous de la même usine, on reconnaît la marque en question mais ils sont assez variés pour qu'on les mange sans râler. Reste qu'on peut frôler l'indigestion mais hé, il n'appartient qu'à nous de ne pas en racheter tout de suite et d'en reprendre plus tard. Ce que j'ai fait avec Ant-Man.
Alors oui, Marvel ne prend pas beaucoup de risques et les cinéphiles purs et durs pourraient regretter cette uniformisation, ce formatage et je le comprends sans problème.Je regrette aussi ce manque de prise de risque et le fait que comme Marvel prévoit tellement de films à l'avance, on est obligé d'attendre encore et encore avant le banquet final (Avengers 2 est davantage un Avengers 1,5 notamment). Reste qu'on parle de films censés représenter des pièces d'un immense puzzle relativement inédit au cinéma. Je suppose que c'est le prix à payer pour que la fresque finale ait de la gueule et de la cohérence de partir sur un schéma classique. Autant miser sur du simple pour mieux investir le spectateur quand les moments cools arrivent. Puis quand on voit qu'à l'inverse, DC accélère quitte à sortir de route dès ses premiers efforts, cela aide à relativiser mais c'est un autre problème (Je vous renvoie à ma critique de Batman v Superman pour un peu plus de détails).
Insérer blague N°343 sur la fourmi ici
Sinon, le film en lui-même n'a rien de spécial. Comme dit précédemment, le canevas basique l'empêche vraiment de prendre son envol mais comme d'habitude, les acteurs répondent présents avec ce qu'on leur donne, le héros est bien incarné et comme d'habitude on prend son sujet avec sérieux mais recul, avec attention et décontraction. De toute façon Ant-Man ne se revendique pas comme sérieux au même titre que les Gardiens de la Galaxie (dans une moindre mesure certes) donc cela permet de mieux accepter l'absence de souffle épique, d'autant que le pouvoir de réduction est très bien exploité et offre des scènes à la fois sympathiques et imaginatives, notamment le climax. J'aurais aimé en voir plus de ce type et Civil War m'a fait comprendre qu'il y a de quoi faire. Et si j'ai fini ce film avec l'envie d'en voir plus et de le voir interagir avec les Avengers, c'est qu'il a rempli son contrat.
Marvel, vous avez un poil dans la main mais je vous dis quand même bravo.