Ce n’est pas la 1ère fois que le problème du logement est abordé au cinéma [« Il legionario » (2021) de Hleb Papou, où un policier noir doit évacuer un immeuble squatté où vit sa mère et son frère, et « En los márgenes » (« A contretemps ») (2022) de Juan Diego Botto, sur l’expulsion de 3 familles, pour les plus récents] mais Nicolas Silhol réalise un film, façon Ken Loach à la française, en plus glaçant, sur la difficulté à se loger. Le point de départ est l’article 29 de la loi ELAN (loi pour l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) n°2018-1021 du 23 novembre 2018, publiée au J.O.R.F. du 24 novembre 2018 et permettant, à titre expérimental, aux propriétaires de confier leurs biens vacants à des organismes afin d’y loger des résidents temporaires : ici, il s’agit de la société privée Anti-Squat, dirigée par un frère et une sœur, où les résidents (et non des locataires), en contrepartie de 200 € par mois, doivent accepter de très nombreuses contraintes. Le réalisateur qui s’était intéressé dans son 1er film, « Corporate » (2017) au management brutal des grandes entreprises, continue sa lecture « marxiste » des rapports socio-économiques en montrant l’adaptation des propriétaires immobiliers qui font appel, via des entreprises comme Anti-Squat (moins chère que les sociétés de surveillance), à un lumpenprolétariat (prolétariat en haillons ou sous-prolétariat pour les francophones). Les dés sont pipés dès le départ avec un contrat léonin (pas d’enfants, pas d’animaux, pas de fêtes, pas plus de 2 invités, pas d’absence supérieure à 2 jours) au détriment des résidents qui n’ont pas le choix et qui s’adaptent faute de mieux, contrat que personne, finalement, ne respecte car tout le monde ment, chacun luttant pour sa survie (résidents) ou son intérêt financier (Anti-Squat, pour qui tout se règle avec de l’argent. Belle illustration du dialogue, « Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raison » dans « La règle du jeu » (1939) de Jean Renoir (1894-1979). Inès (Louis BOURGOIN), ancienne agent immobilier au chômage, menacée d’expulsion et vivant seule (depuis sa naissance) avec son fils Adam de 14 ans, est le personnage le plus emblématique, avec son rôle de « kapo » (« resident manager » en novlangue chez Anti-Squat), ayant les mêmes contraintes que les résidents, simple rouage et courroie de transmission d’une machine (elle reproduit ce qu’elle a subi, donnant au système un fonctionnement de pyramide de Ponzi, habituelle des montages financiers frauduleux) qui va la broyer finalement, en perdant l’estime de son fils, collégien rappeur idéaliste.