« Quand je serais grand je ferais tout comme mon papa ! » C'est a peu près ce qu'a du se dire Junior Cronenberg depuis ses 8 ans. Antiviral raconte donc une histoire digne du Papa Cronenberg avec un héros borderline (Syd March) qui s'injecte illégalement des virus de stars, devenus des produits à vendre comme un autre, fabriqués par l'entreprise où il travaille pour les refiler sur le marché noir. Junior à bien retenu les leçons de son papa car l'histoire devient intéressante très tôt dans l'intrigue lorsqu'Hanna Geist, la star des stars, meurt suite à un virus que Syd s'est bien évidemment injecté.
Le synopsis vous fait froncer un sourcil et c'est normal, car rappelons le, il fait tout comme Papa Cro. Donc rien d'étonnant qu'il s'agisse d'un film de S.F. bien sanglant, un brun fantastique, comme son papa. Et Pas étonnant non plus que l'histoire se base sur une analyse métaphorisée de la société de consommation actuelle. Mais la bonne surprise qu'on n'attendait pas en lisant ce synopsis douteux qui évoque étrangement Chromosome 3 du papa, c'est que junior (surement en pleine crise d'adolescence et identitaire) nous sort un film poignant, qui dérange, et pas qu'un peu.


Déjà parce que le film choisit quand même de nous parler de la maladie avec un grand M. Celle qui gangrène notre société, qui gangrène nos âmes, celle qui gangrène tout. Un film violent avec un message fort.
Aussi le choix de l'acteur principal qui n'est pas anodin: Caleb Landry Jones, qui interprète Syd. Un grand roux aux tâches de rousseurs en costume cravate bien serré qui fait un peu tâche dans le paysage « Big Corparation totaly white » du film. Les détails ne manque pas sur le jeu d'acteur (cheveux coiffés en queue de cheval maladroite, ongles sales ; une certaine litanie dans la voix de l'acteur...) comme sur l'esthétique du montage (qui joue sur les parallèles entre la vie hors société de Syd et sa vie en entreprise) pour alterner l'ordre et le chaos à l'écran. Le rythme très lent et aseptisé de la vie en société contraste avec notre héros fiévreux en plein délire qui peine à maintenir le rythme des retournements de l'histoire qui nous sont offert. Tout se détraque simultanément dans l'entreprise qui vend du rêve comme dans la vraie vie de Syd où les rêves sont plutôt des cauchemars. La société de consommation est ici montrée à son paroxisme : on arrive à vendre ce qu'il y a de plus abjecte, et ça va jusque chez le boucher (autre protagoniste de l'histoire représentant une des scènes de la vie de tous les jours de Mr tout le monde) qui manipule des cellules afin de reproduire et vendre des steaks de chair humaine. Bref, une société 100% cannibale et sans gène.


Mais junior Cronenberg ne s'arrête pas là dans la révolution du cinéma de Papa, car à son âge quand on veut mettre mal à l'aise le spectateur, on y va carrément. La mention « Interdiction pour les -12ans » aurait pu aller jusqu'au -16ans. Le film est constellé de gros plans d'aiguilles qui s'introduisent sous la peau (allant de celle du bras à celle de la gencive) comme un rituel. Hum... Peut-être une référence à Pulp Fiction ? Mais avec les tonnes d’hémoglobine étalée à l'écran comme les excréments dans "Hunger", pas de doute : pas d'hommage possible à Tarantino cette fois-ci mais plutôt à "Saw" de James Wan. Le tout, filmé avec des couleurs pastelles palichônes comme si on sortait d'un conte de fée qui avait mal tourné et un choix de plans en longue focale sous une lumière très crue laissant l'image en partie nette et l'autre floue. Comme dans des pubs. Forcément, ce côté de mise en beauté de l'horreur ça intrigue et ça dérange. Et que dire des visages déformés tout droit sortis des centrales nucléaires de Tchernobyl qui servent à identifier les virus commercialisés ? Un gros problème identitaire de la crise d'adolescence de Junior, surement en train de le résoudre dans les bas-fonds de la boîte de striptease dans son film qui rappelle étrangement les scènes de "Blue Velvet". Derrière ce grand rideau rouge on aurait juré entendre le « I'm your Mumy ; please hit mumy » de notre cher David Lynch dans la bouche de la star Hanna Geist, qui veut rester une éternelle petite fille...


On l'aura compris, Junior a une bonne culture cinématographique et veut qu'on se sente mal assis sur son siège, les yeux à la fois fermés devant la violence et ouverts devant la beauté de l'image. Mais à trop vouloir faire un cinéma qui vous retourne le coeur, il est possible que certain ne puisse pas voir la fin du film ; soit parce qu'ils auront tourné de l'oeil soit parce que le projectionniste aura coupé le film pour laisser les secours emmener la jeune femme du 3er rang tombée dans les pommes... Bref un film à voir jusqu'au bout, si vous y arrivez.

Kolynou
6
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le 28 juil. 2016

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Kolynou

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