Lui, c’est Antoine. Dans sa vingtaine, beau garçon, il est ouvrier dans une imprimerie, ce qui lui permet de récupérer les tirages ratés – qui sont néanmoins parfaitement lisibles. Sportif, il préfère le vélo au métro parisien (on le comprend), et rêve de pouvoir un jour s’offrir une belle moto et d’arpenter les petites routes de France avec son épouse. Elle, c’est Antoinette, employée dans un Prisunic. Jolie, le regard malicieux, elle attire les regards des hommes auxquels elle répond avec humour. Les livres que lui donne son mari font la joie de celles à qui elle les prête, sans qu’elle n’en comprenne réellement l’intérêt, elle qui ne lit pas.


Ils vivent dans un immeuble dans un quartier populaire, en face de l’épicerie locale tenue par un type lubrique et peu sympathique. Ils font leurs courses ensemble, s’aiment, dînent et tirent des projets sur l’avenir. Ils ne rêvent pas de beaucoup… une moto, un appartement plus grand, et peut-être même, qui sait, un jour, un bébé. Si c’est un garçon, ils l’appelleront Antoine. Si c’est une fille, je n’ose présager de rien, mais j’imagine que ce ne sera pas Géraldine. Un beau jour, leur fortune semble faite lorsqu’ils dénichent un billet de loto gagnant. Enfin, à condition qu’ils ne le perdent pas !


La – longue – introduction du film en constitue probablement la partie la plus intéressante. Presque sans aucune baisse de rythme, on découvre tour à tour Antoine et Antoinette, dans leurs boulots et les interactions de leur quotidien, avec leurs collègues, amis et voisins. Paris prend vie sous la caméra de Jacques Becker, bourdonnante de vitalité et d’activité. Le film a beau avoir soixante-dix ans, les manières des parisiens dans le métro n’ont guère changé.


L’intrigue du ticket de loto gagnant sert de prétexte à développer les personnages, elle guide le développement du film mais n’est pas ce qui intéresse le plus Becker. Son cinéma est vivant, organique. Il est tout entier tourné vers ses protagonistes, qu’il filme avec une bienveillance… relative. Nos petits français sont bavards, curieux, dragueurs, et bons vivants, surtout nos ouvriers qui se tiennent les coudes et profitent du peu qu’ils ont. Le patron de l’épicerie, un peu plus friqué, est quant à lui un horrible bonhomme chez qui il n’y a rien à sauver. Sans scrupules, il pelote ses employées (ça ne serait pas passé avec la censure du cinéma américain, ça !) et se permet des familiarités auprès d’Antoinette, qui lui a tapé dans l’œil. Deux poids deux mesures !


« Antoine et Antoinette » est un film d’atmosphère, très parisien, qui respire la joie de vivre même dans les moments difficiles. Il est servi par une troupe de bons acteurs, au rang desquels, en premier lieu se distingue l’excellent Noël Roquevert dans le rôle de l’atroce épicier. La magie de ce métrage est de réaliser un grand film à base de petites choses. Et, c’est peut-être un peu idiot, mais moi, voir ces français des années 40 prononcer des trucs comme "side-car" ou "knock-out" avec un accent franchouillard terrifiant, ça me donne à sourire.

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le 7 août 2018

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Aramis

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